LA RELIGION au CHILI

ParJacques BONNAUD

LA RELIGION au CHILI

Le Chili n’a pas de religion d’État, mais l’église Catholique y jouit d’une influence considérable. Sa hiérarchie n’a pas eu de réaction critique lors du coup d’État du général Pinochet en 1973.

Une partie de sa hiérarchie est très conservatrice et fortement influencée par l’Opus Dei. Elle fut un des principaux soutiens du régime militaire. D’autres, au contraire, ont tenté au péril de leur vie d’être la « voix de sans-voix ». Des prêtres font partie des « disparus » victimes de la répression.

Globalement, ce n’est qu’à partir du milieu des années 1980 que l’ensemble de l’Église chilienne a pris ses distances avec Augusto Pinochet. Celui-ci avait tenté d’obtenir du Vatican le droit de nommer les évêques. Les appels de la Conférence des évêques chiliens en faveur de la libération d’A. Pinochet après son arrestation à Londres ont toutefois démontré que la hiérarchie de l’église chilienne n’avait pas quitté l’univers mental de l’époque du régime militaire.

Après 8 ans de débat, le Sénat a fini par autoriser la rupture du mariage civil (octobre 2003). Jusqu’à cette date, le Chili était le seul pays occidental (avec Malte) à interdire le divorce. Ce projet de loi était soutenu par 80 % de la population, ce qui n’a pas empêché l’Église chilienne de livrer un guerre sans concession à cette réforme à coup de campagne télévisé. Dans cette bataille perdue d’avance, l’Église a perdu beaucoup de son prestige.

Bien qu’un quart seulement de la population catholique aille régulièrement à l’église, la religion occupe une place importante dans la culture chilienne. Environ un tiers des enfants fréquentent des écoles catholiques où ils suivent des cours de religion. Les prêtres et les religieuses catholiques sont très respectés, et les cérémonies religieuses comme le baptême, la première communion, le mariage et les funérailles font l’objet de grandes réunions de famille.

La prise de position de la hiérarchie de l’Eglise catholique sous la dictature, les scandales sexuels impliquant des hommes d’Eglise ont ébranlé la position dominante du catholicisme au Chili. Une étude indique que seuls 63% des Chiliens confessent être catholiques. Ils étaient 70% en 2006. Pis encore, l’intégrité de l’Eglise est remise en cause, la population la jugeant trop proche, en vrac, des riches, de la droite, de ceux qui ont le pouvoir… Bref, pas de leurs préoccupations quotidiennes. Hérésie, 65% des ouailles chiliennes estiment même qu’il est tout a fait possible de vivre la foi sans appartenir à aucune église. Et ils sont 54% à croire que l’on peut être une bonne personne sans l’aide de l’Eglise.
« L’Eglise est peut-être en train de montrer sa difficultés à réunir toutes les couches sociales. Les graves cas d’abus psychologiques et sexuels de ces derniers temps ont détérioré l’image de l’Eglise catholique. Nous devons regagner en crédibilité. » affirmait Monseigneur Contreras.

 

Quelques caractéristiques du Catholicisme chilien :

– Contrairement au Mexique, au Pérou ou à l’Equateur, la religion au Chili ne se présente pas sous la forme d’immenses cathédrales mais davantage dans la rue, par des graffiti, des prêches sur les places, des peintures murales, des processions, des groupes divers utilisant la danse, la sono et le spectacle.
– On y trouve à la fois des prêtres ouvriers et des soutiens aux dictatures
– La théologie de la libération n’a pas de titre de gloire chilien par contre l’Opus Dei s’est développé plus que partout ailleurs.
– Le Catholicisme chilien s’apparente pour certains à « une théologie de la Prospérité made in USA »

Les protestants représentent quelque 10 à 15 % de la population : méthodistes, luthériens et pentecôtistes (un courrant religieux d’origine nord-américain très actif auprès des populations déshéritées).

On compte aussi quelques juifs (principalement des ashkénazes) et quelques musulmans (souvent originaire de Palestine ou du Liban).

Une partie des Indiens, en particulier les Mapuches, a conservé la religion traditionnelle mapuche. Certains continuent à la pratiquer en parallèle avec leur religion officielle. « Les chefs spirituels mapuche, les Machis, sont généralement des femmes. Les Machis communiquent avec la famille divine afin de maintenir l’harmonie de la nature et de combattre les forces du mal. Les Machis peuvent être chefs spirituels ou posséder des pouvoirs magiques leur permettant de guérir quelqu’un ou de le rendre malade en lui jetant un sort. La religion est une partie intégrante de la culture et de la vie quotidienne des Mapuches. » (utotonto)

 

Cadre juridique :

La Constitution chilienne déclare que les personnes naissent libres en termes de dignité et en droits, et que la famille est l’unité fondamentale de la société. De plus, elle mentionne que l’État reconnaît et protège les groupes intermédiaires par lesquels la société est organisée et structurée, en leur garantissant l’autonomie nécessaire pour accomplir leurs tâches spécifiques. Elle énonce également que la souveraineté appartient à la nation et que son exercice est limité par le respect des droits de l’homme.
La Constitution garantit à tous « … la liberté de conscience, l’expression de toutes les croyances et le libre exercice de toutes les religions, dans la mesure où elles ne sont pas contraires à l’éthique, à la moralité publique ou à l’ordre public. » Par rapport aux croyances religieuses, elle stipule que les groupes religieux peuvent construire et entretenir leurs temples et bâtiments connexes, conformément aux lois et règlements de santé et de sécurité qui sont en vigueur. S’ils sont exclusivement utilisés pour le culte, les temples et bâtiments connexes sont exonérés de tous les impôts.
Par ailleurs, la Loi 19638 de 1999, qui définit les règles relatives à la Constitution juridique des Églises et des organisations religieuses, prévoit que nul ne peut être victime de discrimination sur la base de ses croyances religieuses, lesquelles ne peuvent être invoquées pour supprimer, restreindre ou porter atteinte au principe d’égalité inscrit dans la Constitution et la loi. L’État garantit que les personnes peuvent librement développer leurs activités religieuses et il protège la liberté des églises, des dénominations et des entités religieuses.
La loi stipule que la liberté de religion et la liberté de culte, de manière autonome et libre de toute contrainte, impliquent au minimum pour tout le monde : le droit de professer ou de ne pas professer des croyances religieuses librement choisies ; le droit de manifester ces croyances librement ou de ne pas le faire ; le droit de changer ou d’abandonner sa foi professée ; le droit de pratiquer en public ou en privé, individuellement ou collectivement, les actes de prière ou de culte ; le droit de célébrer des rituels sacrés ; et le droit de ne pas être contraint d’accomplir des actes de culte ou de recevoir une assistance religieuse contraire à ses propres convictions. Elle note également que les personnes peuvent recevoir et répandre l’instruction ou la formation religieuse par tous les moyens, et qu’elles peuvent se rassembler publiquement à des fins religieuses.

Les faits concernant la liberté religieuse :

En juillet 2014, un projet de loi a été présenté au Congrès national du Chili en vue de modifier la Loi n°20000 dans le but de décriminaliser la culture, la récolte et la possession de cannabis par des individus pour des raisons personnelles, spirituelles ou thérapeutiques.
En septembre 2014, un projet d’amendement de la Constitution a été présenté au Congrès pour exiger de l’État et de ses agents un traitement égal pour les différentes Églises du Chili ainsi que la protection de l’objection de conscience. En octobre 2014, la Cour d’appel de la ville de Concepción a soutenu une décision prise à l’encontre d’une école catholique qui a fait preuve de discrimination envers un étudiant, qui n’a pas été autorisé à s’y réenregistrer à cause de l’état civil de sa mère. En novembre 2014, un projet a été présenté au Congrès national du Chili afin d’ajouter un nouveau paragraphe après l’article 19.6 de la Constitution, qui se lit comme suit : « toutes les églises, les religions et les croyances bénéficient de la même égalité de traitement par l’État et ses agents, puisque la libre expression de leurs convictions ne peut être limitée en aucune manière. Chacun a aussi le droit à l’objection de conscience envers toute religion particulière qui pourrait violer sa liberté de croyance.» En novembre 2014, suite à des consultations sur la mise en œuvre du Décret suprême n°924 de 1983 réglementant les classes religieuses, le Ministère de l’Education a publié un avis pour préciser que les écoles peuvent offrir des classes religieuses au choix, et que les parents peuvent décider de la participation de leurs enfants quand ils sont à l’école primaire, et que les étudiants eux-mêmes peuvent décider lorsqu’ils seront à l’école secondaire. En outre, ce décret déclare que, dans le cas des écoles religieuses, la volonté des parents doit être respectée si ces derniers demandent par écrit que leurs enfants soient dispensés de l’enseignement religieux, même s’ils ont initialement choisi cette école. Par la suite, en décembre 2014, le Ministère a émis un autre avis supprimant la disposition que les parents peuvent décider pour leurs enfants au niveau des écoles primaires et que les élèves peuvent prendre leurs propres décisions lorsqu’ils seront à l’école secondaire. La suppression de cette disposition a conduit à diverses réactions, y compris les objections juridiques d’un professeur de droit qui est le président national de la Fédération des écoles privées. En décembre 2014, un projet de loi relatif à la protection de la liberté religieuse a été déposé au Congrès dans le but de modifier l’article 18 du Code pénal afin d’assurer des dommages-intérêts moraux aux victimes et leurs familles en cas d’infractions telles que les crimes contre l’humanité, le génocide et les crimes de guerre, tombant sous le coup de la Loi n° 20357,  En décembre 2014, un projet de loi a été présenté au Congrès pour modifier la loi n° 19496 afin de sanctionner toute catégorie d’information publicitaire à contenu raciste ou discriminatoire «… fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou autre, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou tout autre statut ». En décembre 2014, la Cour d’appel de Santiago a confirmé une demande présentée par un ministre branhamite contre une interdiction émise par le Ministère de la Sécurité intérieure et publique l’empêchant de pénétrer sur le territoire chilien.
En janvier 2015, le gouvernement est allé devant le Congrès pour déposer un projet de loi visant à décriminaliser l’avortement dans trois cas.
En mars 2016, la Chambre des députés a approuvé par 66 voix contre 44 la dépénalisation de l’avortement proposée dans trois cas présentés par le gouvernement de la présidente Bachelet. La loi comprend des dispositions protégeant l’objection de conscience pour les médecins qui refusent d’exécuter des avortements. Le projet de loi est en attente d’approbation sénatoriale. En mars 2016, le Comité permanent de la Conférence des évêques catholiques du Chili a envoyé un message aux catholiques et au peuple du Chili concernant l’approbation par la Chambre des députés de la loi pro-avortement. On y lisait : « Alors que les gouvernements, les autorités et trop de législateurs pro-avortement discutent des différentes façons pour sauvegarder la « maison commune » de l’humanité, nous rappelons la déclaration du Pape François, qui « ne prend pas en charge la défense de la nature …» En 2014, trois églises catholiques ont été attaquées : le sanctuaire de Lourdes à Santiago, le Sanctuaire de Santa Barbara dans la région d’Araucanie et la paroisse de Notre-Dame de la Miséricorde à Los Castaños, Santiago. Les images sacrées du Christ, de Saint-Sébastien et de la Vierge Marie ont été endommagées par ces attaques, tout comme une partie de ces lieux de culte. En 2015, une attaque a été signalée contre une image de Marie dans le diocèse de Villarrica. En 2016, les attaques contre les lieux de culte ont augmenté. Elles comprennent une église catholique à Santiago, huit églises de la région d’Araucanie, ainsi que quatre chapelles catholiques et trois églises évangéliques. Les attaques en Araucanie sont liées à des revendications territoriales des Mapuches, un peuple autochtone. Selon certains, ces revendications territoriales, alléguées par certaines personnes, alimenteraient un climat d’insécurité provoquant des attaques sur les routes, les camions et les maisons privées et des slogans en faveur de « la cause mapuche ».
 Les positions contestables de l’Eglise Catholique vis-à-vis du régime de Pinochet :
L’Eglise catholique a accompagné la conquête européenne en Amérique avec les violences et les spoliations qui ont marqué la domination sur les amérindiens du XVIème siècle au XIXème siècle. Cette Eglise devient avant tout, la représentante des intérêts de la minorité blanche: La procédure du ’ requerimiento ’ met en demeure les populations indiennes d’accepter la foi catholique, la juridiction du pape et du roi d’Espagne, sous peine d’extermination et d’esclavage. Les voix de religieux s’exprimant à contre-courant demeurent historiquement des phénomènes isolés.
A partir de la vague d’indépendances au XIXème siècle, la hiérarchie de l’Eglise restera liée économiquement et politiquement aux partis conservateurs et appuiera les partis politiques qui s’opposent aux réformes, y compris après la seconde Guerre mondiale.
Née dans les années 60, s’appuyant sur les communautés ecclésiales de base (60 mille au Brésil en 1982, un millier au Chili, plusieurs centaines au Paraguay et en Amérique centrale), la théologie de la libération préconise un engagement concret, et donc politique, de l’Eglise auprès des plus pauvres.
L’arrivée à la tête du Vatican de Karol Wojtyla, en 1979, provoque un virage au Saint-Siège. Devenu pape sous le nom de Jean Paul II, le nouveau Pontife d’origine polonaise, est fortement marqué par son expérience dans un pays du bloc communiste.
Dans ce contexte, l’Eglise catholique au Chili s’est distinguée en Amérique latine par une division en deux groupes: d’un côté, ceux qui défendent la théologie de la libération et qui vont s’opposer au régime du général Pinochet, au pouvoir de 1973 à 1989 ; de l’autre, les secteurs les plus conservateurs de l’Eglise, notamment sa hiérarchie.
L’attitude du cardinal Soldano (actuellement secrétaire d’Etat du Vatican), nominé a la nonciature de Santiago en 1979, a été déterminante dans cette prise de décision. Il a passé 10 ans au côté du général Pinochet, ce qui nous permet de penser à une profonde amitié entre les deux hommes et qui justifierait une telle défense.

Le 18 février 1993, Jean-Paul II adresse au général Pinochet un message de félicitations à l’occasion de ses noces d’or, accompagné de sa bénédiction apostolique. Ne pas oublier que la reprise en main des dictatures vont très bien à l’offensive menée par le Saint Siège contre la théologie de la Libération…  Offensive qui est la grand oeuvre de Jean Paul II mais qui est également celle de ses sucesseurs Benoit XVI et l’actuel François I. D’autres communiqués publiés en ce moment par Wikileaks montrent que les Etats-Unis, fort de l’aide fournie en Europe de l’Est dans la fin du socialisme par le Saint Siège a accordé durant tout ce temps une attention particulièrement bienveillante à la diplomatie vaticane… Comme le néo-libéralisme avec les dégâts que nous continuons à payer aujourd’hui tant sur le plan économique, financier et éthique a été initié au Chili et en Angleterre, avec l’alliance entre les dictatures, les militaires, la hiérarchie catholique et des politiques comme Reagan et Thatcher… Le vatican a entretenu des officines particulièrement troubles comme la légion du Christ pour mener à bien cette offensive. Que l’Eglise catholique ait mis une année pour découvrir que les droits de l’homme étaient violés est une plaisanterie…

Ne pas oublier que la reprise en main des dictatures vont très bien à l’offensive menée par le Saint Siège contre la théologie de la Libération…  Offensive qui est la grand oeuvre de Jean Paul II mais qui est également celle de ses sucesseurs Benoit XVI et l’actuel François I. D’autres communiqués publiés en ce moment par Wikileaks montrent que les Etats-Unis, fort de l’aide fournie en Europe de l’Est dans la fin du socialisme par le Saint Siège a accordé durant tout ce temps une attention particulièrement bienveillante à la diplomatie vaticane… Comme le néo-libéralisme avec les dégâts que nous continuons à payer aujourd’hui tant sur le plan économique, financier et éthique a été initié au Chili et en Angleterre, avec l’alliance entre les dictatures, les militaires, la hiérarchie catholique et des politiques comme Reagan et Thatcher… Le vatican a entretenu des officines particulièrement troubles comme la légion du Christ pour mener à bien cette offensive. Que l’Eglise catholique ait mis une année pour découvrir que les droits de l’homme étaient violés est une plaisanterie…

Fin 1998, le général Pinochet se rend en Grande-Bretagne pour y subir une intervention chirurgicale. L’Espagne demande son extradition aux autorités britanniques pour que le général réponde des milliers de crimes contre l’humanité que son régime a commis. Le Vatican s’oppose à cette extradition. »

Le Vatican a minimisé les crimes du dictateur chilien Augusto Pinochet, les qualifiant de « propagande communiste », selon des documents des missions diplomatiques américaines datant des années 70 révélés lundi sur le site WikiLeaks. Un câble envoyé par l’ambassade américaine auprès du Saint-Siège le 18 octobre 1973 fait ainsi état d’une conversation avec celui qui était alors numéro deux de la Secrétairerie d’État (le gouvernement) du Vatican, Giovanni Benelli.
Le télégramme envoyé à Henry Kissinger, à l’époque chef de la diplomatie américaine, raconte que Mgr Benelli a exprimé « sa grave préoccupation ainsi que celle du pape face à la campagne internationale réussie de la gauche qui présente une vision complètement fausse de la réalité chilienne ». « Benelli a déploré notamment une couverture exagérée de certains évènements qui est le résultat d’un des plus grands succès de la propagande communiste », écrit l’auteur du câble diplomatique, en soulignant que le prélat estime que « cela montre comment les communistes peuvent influencer les médias mondiaux dans les années à venir ».

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Jacques BONNAUD author