GEOPOLITIQUE et CULTURE au CHILI

ParJacques BONNAUD

GEOPOLITIQUE et CULTURE au CHILI

GEOPOLITIQUE

Le Chili se veut bi-océanique et bi-continental, en cela il s’est toujours heurté à l’Argentine. Il contrôle le canal de Magellan qui fait communiquer les deux océans Atlantique et Pacifique en évitant le cap Horn. Comme si une menace pouvait venir de ces confins battus par des vents glacés, le Chili a toujours concentré une bonne partie de ses effectifs militaires à Punta Arenas, la ville sentinelle d’un détroit qui a perdu toute son importance depuis que les Américains ont percé le canal de Panama. Pour les Chiliens, la pointe sud du continent n’est pas pour une frontière. Le Chili se représente comme un État à cheval sur deux continents l’Amérique et l’Antarctique dont il revendique une partie du territoire.

Le Pacifique comme « nouvelle frontière ». Le Chili a été le premier (dès 1952) à revendiquer une zone économique exclusive de 200 milles marins au large de ses côtes. Comme il contrôle quelques îles situées à plusieurs milliers de kilomètres, cette règle (contestée par certains États) lui confère un espace maritime considérable qui déborde sur la Polynésie. Le Chili est le troisième pays du monde pour l’importance de sa pêche. Surtout, le Chili s’est cherché des partenaires et trouvé des marchés dans le bassin Pacifique, en particulier l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Cette appartenance à l’espace Pacifique a été consacrée par son intégration en 1994 dans l’APEC (Conférence économique de l’Asie Pacifique), une sorte d’OCDE du Pacifique aux objectifs floues dont le Chili s’enorgueillit d’avoir été le premier membre sud-américain. Une adhésion qui fut parrainée par les États-Unis. Mais, à la fin des années 1990, c’est d’Asie qu’est venu la récession économique.

Le tropisme nord américain. Le Chili ne s’est jamais senti à l’aise en Amérique du Sud et a eu toujours tendance à snober ses voisins. Dès 1974, le Chili quitte le Pacte andin qu’il avait contribué à fonder avec ses voisins du Nord, cinq ans plus tôt. Devenu le mouton noir du sous-continent en raison du caractère répressif de son régime militaire, l’axe de la diplomatie chilienne sera d’établir un axe de relations privilégiées avec Washington. Le coup d’État du général Pinochet en 1973 a été financé et organisé par le gouvernement Nixon, en particulier son secrétaire d’État Henry Kissinger. Au même titre que l’Afrique du Sud, autre extrémité, dirigée par une élite socio-économique cohabitant mal avec le reste du continent, le Chili endosse le rôle de « défenseur d’un occident chrétien » presque seul contre tous, si ce n’est les soutiens de Washington et du Vatican.
Avec les années 1980, l’administration Reagan offrira au Chili une autre image venant compléter l’ancienne : celle d’avant-garde d’une révolution ultra libérale. Ainsi le « croisé de l’Occident » devient, en outre, un « modèle économique ». Les « Chicago boys » prennent en charge l’économie chilienne et en quelques années de croissance spectaculaire dont ne profite qu’une partie de la population, font du Chili le « jaguar de l’Amérique du Sud ». Par question alors de participer aux projets d’intégration régionale. Il décline, en 1991, l’invitation, à se joindre à l’Argentine et au Brésil dans le Mercosur (marché commun du sud du continent). L’ambition du Chili est d’intégrer l’Alena (le marché commun nord-américain), autrement dit le « premier monde ». Finalement le Chili signera, en 1996, des accords de libre-échange avec le Mexique et le Canada (deux de ses membres), mais en 1997 Bill Clinton devra trahir sa promesse d’une intégration rapide dans l’Alena en raison d’un refus du Congrès. Malgré son implication dans le putsch de Pinochet en 1973, le gouvernement américain participe aujourd’hui à la dénonciation des violations des droits de l’homme pendant les années noires.

L’Amérique du sud tout de même. Face à cette déconvenue, le Chili esquisse un rapprochement avec l’Argentine (1998), le dernier litige frontalier est résolu. Le Chili sollicite même un statut de membre associé au Mercosur (dont il deviendra membre en décembre 2000). Avec la démocratie, les Européens sont de retour, l’Espagne est désormais son troisième partenaire économique après les Etats-Unis et le Canada.
Mais, en décembre 1998, voilà que le général Pinochet de passage à Londres est arrêté par la justice britannique sur demande d’un juge espagnol. Le Chili se retrouve seul contre tous… ou presque, car les seuls à comprendre les demandes de libération de Pinochet formulées par le président chilien sont ses homologues sud-américains, en particulier argentin. Mêlant susceptibilité nationale et volonté de recherche de la vérité sur les années noires, tous les pays de la région sont aujourd’hui dans la même situation. Parmi les principaux dossiers figure l’opération « Condor », cette coopération entre les police chilienne, argentine, uruguayenne, paraguayenne, bolivienne et brésilienne contre la « subversion ». Cette opération est à l’origine de nombreuses plaintes émanant de plusieurs pays européens, notamment l’Espagne et la France. En 1999, le Chili a connu sa première récession économique depuis 15 ans, contrecoup de la crise asiatique, ce qui l’ammené à se raprocher du Mercosur.
Confronté à la crise Argentine, le Chili se félicite d’être resté fidèle à « sa diplomatie multipolaire, qui ne le fait dépendre d’aucun bloc, comme le Mexique qui réalise 90 % de son commerce avec les États-Unis et s’enrhume dès que son voisin tousse. Santiago a conclu, fin avril, un accord avec l’Union européenne qui prévoit l’instauration d’une zone de libre-échange portant sur tous les secteurs, notamment l’industrie, la pêche et l’agriculture. S’il appartient au regroupement régional de Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) et est membre associé du Mercosur (le marché régional du cône Sud), le Chili devrait, après avoir conclu des accords identiques avec le Canada et le Mexique en finaliser un avec les Etats-Unis. Il sera ainsi l’unique pays sud-américain à disposer d’un accord de libre-échange avec les Etats-Unis. »

 

CULTURE

A. Un survol de l’éducation

«Les enfants chiliens commencent l’école à l’âge de sept ans. Après huit années d’école obligatoire, ils peuvent suivre quatre années de cours d’enseignement général ou professionnel avant d’envisager de suivre des études postsecondaires.

L’année scolaire dure de mars à décembre. Certains vont à l’école le matin de 8 h15 à 13 h 15, et d’autres l’après-midi de 13 h 30 à 18 h 30. Cette répartition des cours permet de pallier le manque de professeurs et d’établissements scolaires. Dans la plupart des écoles, décembre est le mois des examens oraux et écrits. Les vacances d’été durent de janvier à mars; les vacances d’hiver, en juillet, durent deux semaines.

Il existe trois types d’écoles au Chili : les écoles publiques, les écoles privées et les écoles recevant des subventions publiques mais administrées par le secteur privé. Le gouvernement établit les programmes pour toutes les écoles. La plupart des élèves apprennent l’anglais ou le français et dans le sud, où la population d’origine germanique est importante, certaines écoles offrent aussi des cours d’allemand.

Les élèves du système public, surtout les plus démunis, sont nombreux à abandonner leurs études. Le gouvernement s’efforce toutefois de répondre aux besoins éducatifs de tous. Certaines écoles offrent par exemple des programmes spéciaux pour les enfants handicapés physiques ou connaissant des problèmes d’apprentissage.

L’Église catholique administre de nombreuses écoles privées, notamment des écoles de langue où tous les cours sont enseignés uniquement en anglais ou en français. Il y a des écoles de garçons, des écoles de filles, et des écoles mixtes. Les écoles privées chiliennes ont la réputation d’être les meilleures, mais elles sont chères et seul un petit pourcentage de la population a les moyens d’y envoyer ses enfants.

Il y a deux types de programmes secondaires : le programme arts et science, qui prépare les élèves à l’université, et les cours techniques d’enseignement professionnel qui les préparent au monde du travail. Tous les élèves désirant aller à l’université doivent passer un test d’aptitude, la Prueba de Aptitud Académica: les résultats déterminent l’admissibilité aux divers programmes universitaires.

Des 68 universités chiliennes, 50 sont des institutions privées récentes. Les deux universités chiliennes les plus importantes sont l’Université du Chili (Universidad de Chile), fondée en 1738, et l’Université catholique (Universidad Católica), fondée en 1888. Toutes deux sont à Santiago.»

B. Les fêtes

«La fête la plus importante au Chili est la fête de l’Indépendance. Les célébrations durent deux jours. Des défilés militaires sont organisés un peu partout dans le pays: celui de Santiago, auquel assiste le président de la République, est le plus grand. Les défilés sont généralement suivis d’une huasa (rodéo).

La plupart des Chiliens vont à la messe de minuit la veille de Noël. Ils passent généralement le jour du Nouvel An à la plage, puisque c’est alors l’été. Pendant la période des fêtes, il est de tradition de boire du cola de mono (littéralement «queue de singe»), boisson composée d’aguardiente (alcool fort), de café, de lait, de sucre, de cannelle et de jaune d’œuf.

Dans les campagnes, la plupart des fêtes sont à caractère religieux. Chaque ville, village ou profession a son saint patron que l’on fête par une messe spéciale et une petite procession. Le festival de Domingo de Cuasimodo se célèbre le premier dimanche après Pâques dans tous les villages du centre du Chili : les gens décorent leur maison, portent des costumes traditionnels aux couleurs vives et défilent dans le village à cheval ou en calèche, en portant des images du Christ. Les prêtres, debout dans des calèches escortées de huasos (cow-boys), offrent la communion aux personnes âgées et aux malades qui sont sur le pas de leur porte.

La Tirana est un autre festival typiquement chilien. Des milliers de personnes vont rendre hommage à la Vierge Marie au village de La Tirana, près du désert d’Atacama. On y joue de la musique traditionnelle, pendant qu’un groupe de danseurs masqués et costumés danse pendant trois jours consécutifs, ne s’arrêtant que pour manger ou se changer. La danse est suivie d’un pèlerinage à la Virgen del Carmen.

Les enfants fêtent le jour du saint dont ils portent le nom, un peu comme ils fêtent leur anniversaire.»

C. Littérature

De tous les poètes chiliens, Gabriela Mistral (1889-1957) est certainement la plus connue. Elle fut la première en Amérique Latine à recevoir le prix Nobel de littérature, en 1945. Ses poèmes décrivent la vie quotidienne dans les campagnes chiliennes et son amour pour les pauvres.
Pablo Neruda (1904-1973) reçut le prix Nobel de littérature en 1971. Ses œuvres parlent d’amour, de pauvreté, et des paysages chiliens. Parmi les grands poètes contemporains, on citera aussi Juan Luis Martinez, Raúl Zurita et José Luis Rosasco.

Isabel Allende et José Donoso sont deux des plus grands romanciers chiliens. Le premier roman de Allende, La Maison aux esprits, a été un best-seller en Europe et en Amérique du Nord ; l’histoire traite d’une famille d’aristocrates chiliens dans une société où la situation politique est explosive. Un livre de José Donoso, Le Jardin d’à côté, a aussi été traduit dans de nombreuses langues. Quant aux dramaturges chiliens, on citera Jorge Díaz, Marco Antonio de la Parra et Raúl Zúrita.

D. Sports

1. Le cerf-volant ou Volantin est un jeu très ancien, dont les adultes font des compétitions. Au Chili, septembre est le mois du cerf-volant, et si vous y êtes durant cette période, vous en verrez partout ! Le grand sport consiste à enduire le fil de morceaux de verre ou d’éléments coupants, de lancer le cerf-volant et d’essayer de décapiter celui de son voisin !

2. Rodéo
Le mot « rodéo » vient de rodear, qui signifie « entourer, encercler ». Parti d’une pratique qui consistait une fois l’an à rassembler le bétail épars pour le compter et le marquer, il s’est transformé en sport – très vivant dans le sud du Chili, mais peu médiatisé.
Le rodéo chilien est le deuxième sport le plus populaire au Chili après le football. Il est considéré comme un sport national. Le rodéo chilien est pratiqué dans toute la campagne du pays principalement dans le secteur du Chili central. Le Rodéo est constitué par ce que l’on appelle collera, composé de deux Huasos, ouvriers agricoles chiliens, montés sur leurs chevaux, qui doivent arrêter le taureau. Un règlement strict arbitre ce sport dont l’un des points oblige les chevaux à être d’origine chilienne, et les cavaliers des huasos authentiques.
Les rodéos chiliens se disputent dans des arènes en forme de corral appelées Medialuna.

3. Futbol
Première passion du pays, le foot est arrivé au Chili dans les années 1880 avec les expatriés anglais. Les premiers clubs sont apparus dans les années 1920.
Aujourd’hui, il serait impensable de ne pas être fan d’un club ou d’un autre ! Entre hommes, c’est presque un enjeu d’intégration. Le choix de l’équipe supportée est en corrélation avec l’appartenance sociale. Les préférences s’affichent : tee-shirts, autocollants, déco dans les voitures… Un match important prévu pour le week-end se commente dès le lundi précédent !

4. Randonnée

Voilà bien une des raisons du voyage au Chili ! Tous les randonneurs assidus rêvent de ce jour futur où le Sendero de Chile sera enfin complété. Au programme : près de 8 500 km de sentiers reliant l’extrémité nord du pays à son extrémité sud. Déjà, quelques secteurs ont été aménagés, donnant un avant-goût des belles randonnées à venir. Au nord, c’est encore modeste (et trop chaud !). Au centre et au sud, en revanche, les options se multiplient, comme dans le pays des Lacs.
La plupart des parcs nationaux et réserves disposent aussi d’un réseau de sentiers, en général assez courts, permettant de découvrir désert, forêts sèches ou humides, vallées isolées, côtes et fjords, jusqu’aux glaciers du Grand Sud. Le must en la matière, sans doute, se trouve au Torres del Paine.
Le fameux circuit du W (4-5 jours) vous y fera découvrir certains des plus beaux paysages chiliens.
Ceux qui rêvent d’isolement et de grands vents mettront le cap, au-delà, sur la cabo Froward, à l’extrémité sud de l’Amérique (5 jours aller-retour), ou sur l’isla Navarino, aux portes du cap Horn.
Précisions tout de même : une bonne condition physique, une tente très résistante, des chaussures imperméables (voire des bottes) et une capacité à l’autonomie complète sont souvent nécessaires. En dehors des refuges du W, les installations sont sommaires.

5. Ski
La saison de ski s’étend de fin juin à septembre ou octobre (hiver austral) selon l’endroit et l’année.
Les stations disposant des plus beaux domaines skiables se trouvent à côté de Santiago. Mentionnons, par exemple, Valle Nevado (44 km de pistes) et surtout Portillo, où les championnats du monde ont déjà été organisés. Ne vous attendez pas, toutefois, à des stations de la taille de celles des Alpes !
Les fanas de glisse apprécient aussi la région des Lacs, comme à Pucón, où le free ride se développe sur les flancs des volcans. On peut aussi skier en Patagonie, mais les options sont encore plus limitées.

E. Musique

D’un point de vue historique, avant l’arrivée des Espagnols, il existait surtout deux pôles de culture musicale : celui des Indiens atacameños du Nord, avec une musique cousine de celle des Incas et des Aymaras, et puis celui des Mapuches du Centre et du Sud.
Les Indiens Mapuches ont leurs propres instruments, notamment la trutruca (trompe de 1,50 à 4 m de long), la pifilca (sifflet en bois), les cascahuillas (cloches) et le kultrún (tambour), mais leur tradition fut moins diffusée.
Dans la musique andine du Nord, les instruments traditionnels sont la zampoña, soit la flûte de pan, et la quena, une flûte dont on dit qu’elle symbolise le souffle du vent sur l’altiplano… Le charango est une espèce de petite guitare, qui était autrefois faite d’une carapace de tatou. La musique andine est toujours représentée par des groupes comme Illapu, Inti Illimani ou Quilapayún…

La zamacueca apparaît au XIXe siècle, dérivée du fandango espagnol. Elle se transforme ensuite en cueca, aujourd’hui danse folklorique nationale.

Après la Seconde Guerre mondiale, un Chilien s’impose au niveau international : Claudio Arrau (1903-1991), considéré comme l’un des meilleurs pianistes classiques du monde.

Les années 1960 voient éclore la Nueva Canción Chilena, avec, entre autres, Victor Jara, Patricio Manns et la famille Parra.

Sous la dictature : Le 11 septembre 1973, lors du coup d’État, plusieurs des représentants de la « nouvelle chanson chilienne » sont en tournée à l’étranger, comme Quilapayún, en concert à la Fête de l’Humanité, en France, ou Inti Illimani, alors contraint à l’exil en Italie. Mais pas Victor Jara, qui est torturé et assassiné par les militaires. Violeta Parra, elle, s’est déjà donnée la mort il y a quelques années…
Pendant la dictature, la seule musique folklorique autorisée est celle dépouillée de toute critique sociale. Les instruments de musique tels que la quena et le charango sont même interdits, car considérés comme révolutionnaires. La censure règne à la télévision ainsi que dans les théâtres et festivals. Beaucoup d’artistes sont en exil ou vont être obligés de l’être (comme Illapu, à partir de 1981, en France puis au Mexique). Les cassettes circulent sous le manteau.
On écoute donc en douce la dictature musique de protesta et les chanteurs à texte.

Aujourd’hui Évidemment, les « anciens » restent très présents dans le cœur des Chiliens et inspirent toujours certains groupes et chanteurs d’aujourd’hui, Mais les années 1980 ont vu l’émergence des musiques rock et cebolla (« oignon » en espagnol !), avec des groupes qui ont d’ailleurs plus ou moins bien vieilli, il faut bien le dire. Citons Los Prisonieros, Aparato Raro, Aterrizage Forsozo, Los Electrodómesticos, Fulano, Congresso, Gervasio, Alberto Plaza…
À présent, on entend beaucoup de musique anglophone. Cependant, les artistes nationaux continuent de se frayer un petit chemin. Entre autres : Joe Vasconcellos, Los Tres, La Ley, Javiera y Los Imposibles, Lucybell, Chinoy. Sans oublier Manuel García, le chanteur de folk le plus populaire au Chili, et Ángel Parra, fils de Violeta, dont la longue carrière a débuté en 1965.
On écoute aussi beaucoup de groupes d’autres pays latinos ou européens.
La salsa a fait son entrée, et plusieurs salsotecas ont ouverte leur portes. Dans les fêtes populaires, on danse souvent la cumbia (colombienne). Il reste tout de même quelques peñas au Chili, sortes de cafés-concerts où se produisent des chanteurs accompagnés à la guitare.

F. Cinéma :

Les débuts. Il existe une production chilienne de l’époque du cinéma muet et du début du cinéma parlé assez riche, et que l’on a récemment commencé à redécouvrir.
Mais c’est la création des studios de Chile Films, en 1941, qui marque le véritable début du cinéma chilien sous le gouvernement du Front populaire. Toutefois, les productions d’alors sont coûteuses, de mauvaise qualité. La recherche d’une identité propre s’amorce dans les années 1960 avec le tournant décisif que représente le Festival du cinéma latino-américain à Viña del Mar, en 1967. Cette rencontre donnera naissance au Nuevo Cine Chileno (nouveau cinéma chilien).
Trois longs-métrages représentent les chefs-d’oeuvre du cinéma chilien : El Chacal de Nahueltoro, de Miguel Littín, Valparaíso, mi amor, d’Aldo Francia et Los Tres Tigres, de Raoul Ruiz.
Sous le gouvernement de Pinochet, certains cinéastes militants et engagés continuent à produire, malgré la fermeture des unités de production, des films qui seront parfois primés à l’étranger (La Bataille du Chili, de Patricio Guzman, Vive le président, de Manuel Littin). Egalement, deux films d’Alejandro Jodorowsky, plus connu pour ses scénarios de BD : Santa Sangre et El Topo, transposition du mythe hébreu du Golem. La Luna en el espejo, de Silvio Caiozzi (1990), film basé sur une idée du romancier Donoso, et La Frontera, de Ricardo Larrain (1991), ont été de beaux succès, juste au moment du retour à la démocratie.
Le renouveau du cinéma chilien. Machuca, d’Andrés Wood (2004), a été un grand succès, et a même été diffusé en France. Ce film évoque la période du coup d’Etat militaire au travers de l’amitié entre deux garçons, l’un de famille bourgeoise, l’autre d’une población en situation d’extrême pauvreté. La Buena Vida (2008) de Wood, est une autre très bonne production.
Si certains films, comme Sexo con amor (2003), vu par plus d’un million de spectateurs au Chili, Cachimba, Mala leche (2004), En la cama (Matías Bize, 2005) et Fuga (2006) ont contribué à l’essor d’un cinéma souvent hasardeux et sans véritable ligne directrice (ce sont surtout des comédies légères et inintelligibles pour qui ignore tout de ce pays), depuis peu, la qualité a nettement augmenté.
Ainsi, en 2009, La nana, dirigée par Sebastián Silva, a obtenu une belle reconnaissance internationale. L’année 2012 a été exceptionnelle pour le cinéma chilien, avec pas moins de 27 productions nationales dont De jueves a Domingo (premier film de Dominga Sotomayor, vainqueur du Tigre du meilleur film de Rotterdam début 2012), Joven y alocada (Marialy Rivas, prix du meilleur scénario au festival de Sundance 2012) ou Violeta se fue a los cielos (Andrés Wood, 2011, sur la vie de la grande musicienne chilienne Violeta Parra, Grand Prix International du Jury au festival Sundance de 2012).
Début 2013, No, de Pablo Larrain (évoquant le référendum perdu par Pinochet en 1988, et une adaptation de l’oeuvre de théâtre El Plebiscito, d’Antonio Skármeta), a été nommé à l’Oscar du meilleur film étranger, témoignant d’un évident renouveau du cinéma chilien (c’est la première fois qu’un film chilien est nommé pour cette compétition).
L’actualité. Aujourd’hui, de nombreuses villes chiliennes, comme Valdivia, Valparaíso ou Viña del Mar se targuent de festivals cinématographiques intéressants. Plusieurs excellents metteurs en scène (Pablo Larrain, Sebastián Lelio, Carolina Adriazola, Fernando Lavanderos, Dominga Sotomayor…) permettent d’espérer de nouvelles réalisations de grande qualité.
Cependant, malgré la frénésie de production actuelle et la qualité artistique de nombreuses oeuvres, les salles chiliennes restent submergées par les blockbusters américains, laissant de côté les productions nationales.

G. PERSONNAGES CELEBRES

Salvador Allende (1908-1973)
Une figure emblématique du Chili. Après des études de médecine, ce fils de la grande bourgeoisie né à Valparaíso exerce dans les bidonvilles de Santiago. Il est cofondateur du Parti socialiste en 1933 et devient rapidement très aimé du peuple qui le surnomme affectueusement  » El chicho « . Elu député en 1938, il est nommé, en 1942, ministre de la Santé d’un gouvernement de Front populaire puis entre au Sénat en 1945. A trois reprises (1952, 1958, 1964), il échoue à l’élection présidentielle. Grâce à l’éclatement du Parti démocrate-chrétien, il devient président, à la tête de l’Unité populaire, en 1970, avec seulement un peu plus de 36 % des voix. C’est dans un climat politique tendu qu’il lance son programme de  » transition pacifique et dans la légalité vers le socialisme « . Durant la première année de sa présidence, sa politique est marquée par un certain succès. Mais de nombreuses tensions sociales apparaissent en 1972 et exacerbent un climat politiquement survolté. Les groupes extrémistes (de gauche comme de droite) campent sur leurs positions et ce climat de quasi-guerre civile finit par exaspérer les militaires dont la réaction, menée par Pinochet, sera des plus cruelles. Le 11 septembre 1973, ce dernier donne l’ordre de bombarder La Moneda où résiste une dernière fois avant de se suicider un des grands hommes de ce siècle, Salvador Allende.

Michelle Bachelet (1951)
Verónica Michelle Bachelet Jeria est de nouveau présidente de la République chilienne depuis le 11 mars 2014. Née le 29 septembre 1951 à Santiago, fille d’un général torturé pendant la dictature (et mort d’un arrêt cardiaque en 1974), elle vécut en Australie puis en Allemagne avant de revenir au Chili où elle obtint un diplôme de chirurgien en 1982. Membre du Parti socialiste, elle fut ministre de la Santé de mars 2000 à janvier 2002, puis ministre de la Défense de janvier 2002 à septembre 2004. Elue à la présidence de la République le 11 mars 2006 pour une durée de 4 ans, cette femme célibataire et mère de trois enfants d’origine française est réélue en 2014 : son arrière-grand-père, l’oenologue bourguignon Louis-Joseph Bachelet vint en effet au Chili en 1869. D’ailleurs, Michelle Bachelet fut reconnue  » citoyenne d’honneur  » par la ville de Dijon lors de sa visite en France, fin mai 2009.

Cecilia Bolocco (1965)
La bombe chilienne, qui a été Miss Univers en 1987, a fait le déshonneur de sa patrie en épousant, au cours de l’automne 2001, l’ancien président d’Argentine, Carlos Menem, de plus de 35 ans son aîné. Depuis, elle a divorcé, mais défraie régulièrement la chronique people des gazettes chiliennes ou argentines.

Condorito 
Personnage de bande dessinée chilienne. Créé en 1948 par le dessinateur Pepo, c’est devenu l’un des personnages préférés de toute l’Amérique latine. Mélange de paysan chilien huaso et de condor, il reste l’un des emblèmes du pays.

Alejandro Jodorowsky (1929)
Résident en France depuis des décennies, cet auteur génial né à Tocopilla dans le Nord du Chili, est le scénariste de plusieurs best-sellers de bandes dessinées dont la série L’Incal, en collaboration avec le dessinateur Moebius. Réalisateur ésotérique et surréaliste, il filme El Topo, Santa Sangre et La Montagne sacrée (dont John Lennon chanta les louanges malgré son extrême complexité). C’est également un écrivain fécond ; son roman L’Arbre du Dieu pendu retrace l’épopée de ses ancêtres, dans un arbre généalogique exubérant, nourri par la sève imaginative de l’auteur et un délire quasi permanent. Il est maintenant devenu psycho-mage, science qu’il a créée et qu’il expose dans plusieurs de ses livres.

Augusto Pinochet (1915-2006)
Né à Valparaíso (le 25 novembre 1915), il est issu d’une famille dont le père, d’ascendance française (ses ancêtres ont émigré de Saint-Malo au XVIIIe siècle), est militaire et la mère professeur de botanique. Il poursuit ses études au collège du Sacré-Coeur, tenu par une congrégation française puis entre à l’Académie militaire, l’année où Allende fonde le Parti socialiste. Il enseigne la géographie à l’Ecole de guerre et devient spécialiste de sécurité nationale. En 1970, il est commandant de la garnison d’Iquique mais n’est pas démis de ses fonctions conformément à la politique de conciliation du président. Après l’assassinat de René Schneider par l’extrême droite militaire, Allende le nomme commandant en chef de Santiago. Chef de file de la branche conservatrice militaire, il est aidé dans son ascension par les graves troubles sociaux qui déchirent le pays et poussent peu à peu les militaires modérés à démissionner. C’est ainsi qu’il prend la place laissée vacante par le général Prats, héros du Tancazo. Allende qui voyait en lui un militaire avant tout loyal est rapidement détrompé : c’est sous le nom de code de Pinocchio que les putschistes vont mettre à exécution leur plan. Pour Pinochet, aidé par ses amis américains de la CIA, il faut éviter que les communistes ne s’emparent du pays. Commentant les émeutes de 1972, il déclare que  » des milliers de délinquants défilaient dans les rues, cachés sous des passe-montagnes et armés de casques et de manches de pioche. Des milliers de guerilleros armés attendaient autour de la capitale pour venir assassiner les Chiliens. C’était le chaos.  » En septembre 1973, la junte militaire prend le pouvoir. Très rapidement le général triomphe. Il étouffe également toute velléité d’opposition en parquant les  » gauchistes  » dans le grand stade de Santiago et dans un bateau en rade de Valparaíso où exécutions sommaires, tortures et autres barbaries sont infligées. Près de 1 800 personnes vont périr en quelques semaines dans la répression qui touche essentiellement les militants communistes, socialistes, du MIR (Movimiento de Izquierda Revolucionaria). Le Parlement est fermé, les partis de gauche interdits. Le maître absolu est maintenant Pinocchio et l’Oncle Sam, son Gepetto. Pour contrôler la situation, le général crée la DINA (Direccion de Investigación Nacional), véritable police politique, maître d’oeuvre du carnage. Pinochet, d’abord chef de la junte, se fait nommer chef suprême de la Nation puis chef de l’Etat et finalement président de la République en décembre 1974. Pour améliorer une image qui commence à être ternie par les accusations des organisations des droits de l’homme, il remplace la DINA par la CNI en 1977 (Central Nacional de Investigaciones) puis, en 1980, met en place une nouvelle Constitution visant à  » rétablir la démocratie au Chili « . En fait celle-ci bloque complètement la vie politique chilienne, le peuple est obligé de l’accepter. Elle permet à Pinochet de gouverner encore 10 ans puis lui donne la possibilité de se faire réélire par plébiscite. Devant l’échec des politiques économiques des Chicago Boys qui ont permis un taux de croissance de 7 % par an mais n’ont pas empêché la faillite du système financier, Pinochet voit sa mainmise s’éroder. Un chômage de 30 % pousse les plus téméraires à défiler dans les rues en 1982. Le 15 décembre, c’est la grande journée des protestations. Le gouvernement assouplit ses positions en permettant à certains exilés (79 !) de revenir, mais la situation va de mal en pis. En mai 1983, c’est au tour des poblaciones, près des mines, de se soulever, et d’être sévèrement réprimées ; le couvre-feu est à nouveau instauré. Pinochet lance alors une politique de Grands Travaux destinée à créer près de 80 000 emplois, mais il essuie les tentatives d’assassinat du Frente Patriotico Manuel Rodriguez. En 1985, Pinochet semble trouver la parade en nommant Hernan Buchi au ministère des Finances. Celui-ci, sympathisant MIR dans sa lointaine jeunesse, remet au goût du jour la sauce friedmanienne, la croissance reprend et le Chili devient un  » exemple « . Afin de profiter de cette prospérité économique, Pinochet anticipe sur la date de son prochain plébiscite, jouant le tout pour le tout. C’est le non qui l’emporte, mais Pinochet reste commandant en chef des forces armées pour huit ans et, à travers la Constitution, pèse sur tout le système. En mars 1998, il doit abandonner ce poste mais reste sénateur à vie ce qui provoque d’importantes manifestations à Valparaíso et Santiago. C’est lors d’un voyage à Londres que l’insaisissable général est arrêté sur les plaintes instruites par le juge espagnol Baltasar Garzon. Celui-là même qui a demandé l’extradition de Grande-Bretagne de Pinochet, mène une enquête sur l’opération Condor qui visait à éliminer les opposants aux dictatures militaires d’Amérique latine (Chili, Argentine, Bolivie, Uruguay, Paraguay, Brésil). Depuis, les procédures judiciaires se sont multipliées en Europe, concernant son implication dans les opérations de torture mais aussi de détournement d’argent avec la banque Riggs aux Etats-Unis. Pinochet est décédé le 10 décembre 2006, cristallisant une nouvelle fois toutes sortes d’émotions contraires à son égard.

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