On peut considérer Marie Laure comme hors du monde car entre le 22 et le 24 Janvier elle est, avec son frère Daniel sur le ferry de la compagnie Navimag entre Puerto Natales et Puerto Montt, coupée du monde moderne, c’est à dire sans accès Internet
Depuis le début de cette aventure je me suis astreint à écrire un article. Sans photos ni informations de Marie Laure, je vous propose quelques légendes et mythes chiliens et patagoniens.
Il me semble qu’ils peuvent être éclairants quant à la culture de cette région. Bien souvent ils fournissent des réponses aux questions humaines et permettent d’élaborer une éthique. De plus il est toujours intéressant de comparer les récits de différentes civilisations ou religions
Ce pourrait être également utile comme histoires à raconter à vos enfants ou petits enfants
La légende de Copihue: Le copihue, fleur caractéristique des terres du sud du Chili est souvent utilisé dans diverses légendes mapuche (indiens du sud du Chili). Une de ces légendes raconte que des guerriers survivant des diverses batailles, montèrent dans les arbres pour voir le résultat de la bataille. En voyant leurs camarades morts, ces survivants pleuraient et leurs larmes se transformèrent en fleur de sang. Ainsi les copihues permettent de se souvenir des esprits des soldats morts.
La légende du Caleuche:
Je vous avais promis de vous raconter mon aventure. Je crois que le moment est venu.
Nous avions tous embarqué sur un bateau sûr, qui avait fait ses preuves dans le gros temps. Son capitaine était tout aussi fiable et nous, les marins, étions tous des gars aguerris par des années de mer.
Le retour vers le pays se déroulait à merveille quand, la deuxième nuit, la mer se changea en furie. Hostile, celle qui était notre compagne de toujours semblait prête à tuer tous les audacieux qui s’y aventuraient. Notre courageux bateau luttait sans pouvoir rivaliser et bientôt, nous n’eûmes plus aucune notion de temps ni d’espace. Nous attendions la lame fatale qui engloutirait le navire.Puis la tempête sembla se calmer momentanément. Nous vîmes alors une grande lumière blanche s’approcher de nous. Il s’agissait d’un magnifique bâtiment illuminé, d’où partaient des chants merveilleux, enchanteurs. Imposant mais tellement rassurant, les marins voyaient en lui un secours dans cette tempête. Seul le capitaine avait la pâleur de la mort et nous dit :
– C’est notre perte ! C’est le Caleuche ! Nos corps, comme tous ceux qui l’ont vu, vont reposer au fond de la mer ce soir !
Mais soudain, alors que les deux navires semblaient se toucher, le Caleuche disparut et la tempête réapparut. Dans la nuit, sur la mer en furie, nous attendîmes la déferlante qui nous noierait tous corps et biens.
Voilà, tout ce dont je me souviens. Je me suis réveillé sur une plage, entouré de gens que je ne connaissais pas. Je leur ai raconté la tempête et le naufrage, sans rien savoir de ce qu’il était advenu de mes compagnons. Mais du Caleuche, je n’en ai jamais dit un mot jusqu’à ce jour. C’est la première fois que je raconte l’histoire entière.
Un silence respectueux suivit le terrible récit de l’homme.
Il reprit :
– Voilà pourquoi je ne navigue plus. Je sais que si je retourne en mer, le Caleuche reviendra chercher celui qu’il a laissé échapper une première fois. Et cette fois, je n’y échapperai pas. Beaucoup de gens croient qu’avoir vu le Caleuche, c’est la mort assurée. Et tous ceux qu’ils l’ont vu une première fois, sont condamnés à rester sur terre s’ils ne veulent pas mourir noyés. Ce bateau de malheur est imprévisible, on peut le voir à tout moment et entendre ses chants. Alors, vous savez que vous allez mourir.
L’auditoire resta silencieux, troublé par les paroles de l’homme.
Seule la tempête se déchaînait à l’extérieur, comme un message d’avertissement à tous les audacieux.
Le Mythe de Calafate: La mythologie tehuelche raconte l’histoire de Calafate, la fille du chef de la tribu, et aussi sa préférée. Calafate était une magnifique jeune fille aux yeux dorés. Mais les choses changèrent lorsque le clan de Calafate reçut un jeune homme d’origine selknam, afin qu’il fasse ses preuves parmi eux en remplissant un rituel d’initiation qui devait en faire un homme.
Les deux jeunes tombèrent amoureux et planifièrent de s’échapper ensemble car selon la tradition des tehuelches, les selknam n’étaient pas à la hauteur et ils avaient l’habitude de les rabaisser. Le chef et père de Calafate allait donc forcément s’opposer à leur union.
Comme cette union était impossible, le père de Calafate se tourna vers le chaman de la tribu, qui répondit qu’il ne pouvait pas mettre fin à leur amour, mais qu’il pouvait les maintenir séparer pour toujours.
Après l’intervention du chaman, Calafate fut transformée en une plante épineuse, aux fleurs dorées comme ses yeux, et que l’on avait jamais sur ces terres auparavant.
Pendant plusieurs mois, le jeune homme ne cessa de chercher sa bien aimée, et son amour était si fort, que les esprits décidèrent de lui venir en aide, le transformant en un petit et rapide oiseau qui pouvait parcourir les étendues patagoniennes très vite.
L’hiver puis le printemps passèrent, jusqu’à ce qu’un jour d’été, l’oiseau se posa sur un arbuste qu’il n’avait jamais vu auparavant et en goutant ses fruits, il se rendit compte qu’ils étaient aussi doux que le cœur de Calafate. C’est ainsi qu’ils se retrouvèrent.
En Patagonie, on dit que le charme de Calafate est toujours dans les fruits, et que ceux qui en mangent une fois, reviendront toujours à cet endroit. « El que come Calafate, siempre vuelve por mas », ce que l’on pourrait traduire par « Celui qui mange un fruit de Calafate, reviendra toujours en chercher plus ».
Le Mythe de la création du Chili: « Au début, les dieux créèrent toutes les merveilles du monde, mais à la fin, ils se rendirent compte que c’était un peu désorganisé. Il y avait des fleuves, des vallées, des glaciers, des déserts, des montagnes, des forêts, des prairies et des collines. Afin que ces merveilles ne se perdent pas, les dieux décidèrent de toutes les mettre dans un endroit très reculé de la Terre. Dans le silencieux nord, les dieux assignèrent la protection du sel, du cuivre, des minéraux, et des ancêtres dans les hauts sommets. Dans le centre, les dieux mirent les vallées riches et généreuses, sources de vie. Et dans le centre, les grandes réserves d’eau. Et c’est ainsi que le Chili fut créé, comme un grand jardin d’éden, entouré par la mer et la cordillère, colonne vertébrale de notre pays. »
Le Mythe de la Lola: Il était une fois une femme magnifique qui s’appelait Dolores et qui était désirée par tous les hommes, qui l’appelaient « Lola ». Son père montait la garde et éloignait les hommes, tout en espérant que viendrait enfin un homme parfait pour elle. Cependant, un jour, elle tomba éperdument amoureuse d’un jeune et pauvre mineur. Et comme elle savait que son père ne l’accepterait pas, elle décida de s’enfuir pour se marier avec le mineur.
Après un certain temps, ils se joignirent à un groupe de mineurs qui étaient à la recherche d’un filon d’or ou d’argent, et c’est ainsi que le couple rencontra la richesse. Il semblait que tout ne serait que bonheur dans leur vie, mais il se révéla que le mineur n’était pas vraiment amoureux de « Lola », et il se mit à utiliser ses nouvelles richesses pour conquérir d’autres femmes.
Ayant découvert son infidélité, elle l’attendit et le tua avec un poignard. Mais prise de repentance, elle partit dans les montagnes, criant et pleurant. Lorsqu’elle revint au village où elle vivait, elle était devenue folle, ne sachant plus que rire et murmurer qu’on avait assassiner son mari.
Affolée, elle alla chercher le cadavre de son mari qui était dans un cercueil noir, et l’emmena dans les montagnes, essayant de trouver son assassin, qui n’était autre qu’elle-même. C’est ainsi qu’elle commença à errer sur les sommets de la cordillère, affamée, pieds nus et échevelée, toujours avec son désir de vengeance, jusqu’à la fin de ses jours.
Mais comme il était impossible de trouver l’assassin, au lieu de mourir dans les montagnes, son âme ne put trouver le repos, et depuis lors, son esprit parcourt les montagnes et les mines, et connaît ainsi tous les lieux où l’on peut trouver des métaux précieux.
Pour les mineurs qui cherchent un filon, « La Lola » transforme sa vengeance en pitié et annonce aux chercheurs la proximité du trésor, mais pas pour le leur donner, plutôt pour les éloigner, car on dit que lorsqu’ils trouvent le filon de cette manière-là, c’est la mort qui s’approche en même temps du mineur. Il se dit aussi que les mineurs qui trouvent la mort dans des galeries obscures sont morts de terreur face à la présence fantasmagorique de « La Loca ». Avis aux chercheurs d’or !
Le Mythe de la Calchona: On dit que la Calchona était une sorcière qui avait un mari et deux petit enfants. Cependant, sa famille ne savait pas qu’elle pratiquait la magie. Dans sa maison, elle cachait des potions qui permettaient de transformer des humains en animaux. Elle utilisait ses pouvoirs seulement la nuit pour ne pas être vue par sa famille, et elle avait l’habitude de se transformer en une grande brebis et parait se promener dans les champs jusqu’au petit matin, avant de reprendre sa forme humaine grâce à ses potions.
Un jour, elle oublia de lancer le sort qui faisait dormir sa famille, et ses enfants la virent se transformer. En la voyant faire, ils eurent envie de l’imiter, s’appliquèrent des potions, et se transformèrent en renard. Mais une fois la transformation faite, ils se rendirent compte qu’ils ne savaient pas comment se retransformer en enfant, et ils se mirent à pleurer. Les pleurs réveillèrent le père qui ne trouve personne, si ce n’est ces petits animaux.
Plein d’amour pour ses enfants et ayant souvent entendu des histoires de sorcière, il imagina que les flacons pouvaient contenir des potions, et que les renards étaient peut-être ses enfants. Il essaya les potions sur les renards, qui se transformèrent aussitôt en enfants. Ils racontèrent à leur père que leur mère était à l’origine de ses onguents. Effrayé, le père prit les potions et les jeta dans la rivière afin que cela ne puisse pas se reproduire.
Plus tard, lorsque la Colchona, sous sa forme de brebis, rentra, elle ne trouve plus ses potions. Elle trouva seulement quelques flacons quasiment vides. Elle essaya quand même de les utiliser, mais cela ne fonctionna que pour ses mains, son viasage et ses cheveux. C’est ainsi qu’elle resta pour toujours sous la forme de cet être mythologique, mi-femme, mi-brebis.
Le Mythe de Chiloe: Au début étaient les esprits. Antu, le plus puissant d’entre eux, était le soleil, et il décida de prendre Kuyen, la lune, pour épouse. Les autres esprits furent très jaloux de cette union, et notamment Peripillan. Les enfants de ces premiers « esprits » eurent envie de prendre le pouvoir et Antu punit le fils de Peripillan et son propre fils, en les transformant en gigantesques serpents, Cai-Cai et Ten-Ten. Les deux serpents étaient ennemis, comme l’étaient leurs propres pères.
Cai-Cai vivait dans la mer qu’il devait protéger, et Ten-Ten sur la terre afin de s’en occuper, ainsi que des hommes. On dit que lorsque Cai-Cai se réveilla d’un long sommeil de plusieurs années, et qu’il découvrit l’ingratitude des hommes envers la mer, il entra en fureur et utilisa sa queue en forme de poisson pour frapper la mer, ce qui entraîna un immense cataclysme et le début d’un déluge, inondant tout le territoire. Il avait, en effet, l’intention de punir les hommes et inonda toutes les vallées et les montagnes, ce qui entraîna tous les habitants au fond de la mer.
Voyant cela, Ten-Ten, qui devait pourvoir sagesse et protection, décida d’aider les humains. Elle les aida à échapper en les transportant en haut des montagnes, ou en les transformant en oiseaux afin qu’ils puissent s’échapper en volant, ou en poissons ou en mammifères marins. Mais comme la mer continuait à monter, Ten-Ten augmenta la hauteur des montagnes afin de contrer Cai-Cai. Enervé, Cai-Cai commença à se battre contre Ten-Ten, dans une bataille titanesque, qui dura très longtemps, jusqu’à ce que les deux serpents se fatiguent, ce qui permit que toute la Terre ne soit pas inondée, mais l’eau ne retrouva jamais son niveau initial, et ce qui donna au Chili sa géographie actuelle : en effet, Cai-Cai avait enseveli assez de terre sous les eaux pour que Chiloe soit à jamais séparée du continent chilien.
Plus tard, Ten-Ten se mit lui aussi en colère à cause de l’attitude des hommes, et il fit entrer en éruption tous les volcans, de telle sorte que toute la population dut déménager dans des endroits plus sûrs. Depuis ce moment, Ten-Tren continue à se manifester à travers les tremblements de terre et les éruptions volcaniques tandis que Cai-Cai, lui, se manifeste à travers les tsunamis et les inondations quand on le réveille au milieu de son sommeil…
Les larmes des trois sœurs
On dit que trois sœurs vivaient au village de Camiña dans le Nord du Chili, trois sœurs éprises du même homme. Mais cet homme ne s’intéressait à aucune d’elles. Ni à l’aînée, ni à la cadette, ni à la plus jeune. Elles gardèrent pourtant l’espoir niché au fond du cœur, longtemps, longtemps, jusqu’au jour où celui dont elles étaient éprises finit par prendre femme.
Les trois sœurs quittèrent alors le village et grimpèrent loin dans la montagne pour que personne ne les voit pleurer. Là-bas, elles ont pleuré à en mourir. Pleuré jusqu’à créer trois lagunes avec leurs larmes. Une lagune rouge, une autre jaune, et une troisième verte. Des lagunes dont les eaux parfois se touchent, mais ne se mélangent pas, car chaque tristesse est unique.
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La légende du volcan Licancabur
Cette histoire s’est déroulée aux temps lointains où les volcans étaient des êtres passionnés. À cette époque, le Licancabur et son frère, le Juriques, étaient de jeunes guerriers fougueux, et surtout très amoureux d’un volcan féminin répondant au nom de Quimal. Les deux prétendants, posés l’un à côté de l’autre dans les Andes, se querellaient si souvent et si violemment que la terre ne cessait de trembler. Excédé par un tel désordre, leur père, le volcan Lascar – toujours actif de nos jours malgré son âge vénérable –, a projeté une terrible langue de feu qui a décapité le Juriques.
Difficile de savoir si le Lascar l’a fait exprès, donnant la préférence à l’un de ses fils, ou si sa fureur s’est déchaînée au hasard. Toujours est-il que le Licancabur n’a guère profité de l’aubaine, puisque le Lascar, craignant d’autres troubles, a ordonné à Quimal de se retirer de l’autre côté de ce que l’on appelle aujourd’hui le Salar d’Atacama.
Pourtant, le Licancabur n’a pas tout perdu. Le Lascar n’a pas exilé Quimal assez loin car une fois par an, lorsque le soleil se lève le jour du solstice d’hiver, l’ombre du Licancabur se projette jusqu’à Quimal, qu’il peut alors effleurer quelques instants avant d’entamer une nouvelle année de solitude à côté de son frère décapité.
La légende de l’Alicanto:
Dans le nord de notre pays, il y a un être mythologique dont les apparitions sont attendues avec impatience par ceux qui cherchent fortune. Cette créature est l’Alicanto, un oiseau fabuleux qui vit parmi les collines minérales et se nourrit d’or et d’argent. Sa taille est énorme ; il a de grandes ailes de couleur métallique, un bec recourbé et des pattes allongées avec de grandes griffes. Il a la particularité que ses ailes brillent pendant la nuit. Si sa nourriture est dorée, il projette des reflets dorés, et si elle est argentée, les scintillements sont argentés.
Si sa récolte est pleine, il ne peut pas voler à cause du poids des métaux avec lesquels il se nourrit, bien qu’il puisse encore se cacher s’il est poursuivi, dans un virage ou une fissure , sans laisser de trace, à la déception de ses poursuivants.
Ceux qui décident de suivre l’Alicanto, dans l’espoir d’obtenir la fortune, puisqu’il est capable de les conduire aux endroits exacts où il y a de riches gisements ou à des endroits où il y a des trésors enfouis, ne devraient pas être avertis par lui. Si cela se produit, cela désorientera le mineur qui marche tantôt lentement, tantôt rapidement, ou bien il disparaîtra et réapparaîtra, jusqu’à ce qu’enfin il jette une lumière très forte qui le transpercera, l’aveuglant au milieu d’une route ou au bord du précipice. Seule une prière à la Vierge de Punta Negra peut indiquer aux malheureux le chemin du retour. Si l’Alicanto estime que le mineur qui le poursuit a des ambitions exagérées, il l’emmènera aussi au bord d’une falaise, où il mourra.
L’Alicanto vit dans de petites grottes et pond deux œufs, en or ou en argent. Et il ne se montre que la nuit.
La légende de Cayetano
C’était au temps où la Pampa appartenait au salpêtre. La terre était salpêtre. Le ciel était salpêtre. L’eau même était salpêtre. Il y avait les hommes qui l’arrachaient aux entrailles de la terre, il y avait les femmes tristes et simples et les enfants qui naissaient dans le sable des dunes. Leur destin était un éternel recommencement des instants vécus; on naissait dans les dunes et lorsqu’on mourait on revenait tout naturellement à elles.
C’est là que Sofia alla cueillir son amulette. La voyante des grains de sable lui avait dit: « Il te faudra une présence humaine pour te protéger des embûches du désert… » et Sofia parcourut les sables à la recherche de la « présence ».
Elle la vit là. Elle brillait au soleil qui l’avait blanchie de ses rayons. Quelqu’un avait enterré quelqu’un et maintenant, combien d’années après?, elle ressortait à la lumière du jour, comme une fleur qui a besoin de clarté pour y puiser la vie.
C’était une phalange longue et fine, un os droit et sans fissures. Une phalange d’artiste ou d’homme de peine?, peu importait. Sofia en fit un talisman qu’elle garda soigneusement au creux de son corsage. Comme c’était « une présence d’humain », il lui fallait un nom. Sofia l’appela Cayetano. Cayetano parcourut ainsi les provinces du nord du Chili.
Quand le sel donnait du travail, le village de tentes surgissait au bord de la mer. Quand le salpêtre appelait les hommes, on s’enfonçait dans le désert emportant avec soi les femmes, les enfants, les outils nécessaires pour puiser l’eau, et l’âne maigre et insipide qui portait la charge et la couverture grise et usagée qui servirait à enterrer un mort ou à coucher un nouveau-né.
Cayetano, enfoui dans le corsage de Sofia, se nourrissait de sa sueur et des battements de son sang.
C’était au bord de la mer, quelque part dans les dunes. Un matin, le village s’était dressé là. Il avait surgi blanc et miroitant, défiant le soleil et l’écume de sable. Sofia défi son corsage et chercha Cayetano et, comme il fallait s’attendre, ne le trouva point. Affolée elle appela « Cayetano ! où es-tu? » mais seul le silence lui répondit.
Elle visita alors les maisons de toiles, questionnant les femmes aux regards las qui donnaient le sein aux nourrissons, ou qui épluchaient patiemment les épis de maïs, ou qui trempaient leur linge dans une cuvette usagée au fond inépuisable, ou qui chantonnaient des exils de vagues et de battements d’ailes. Mais rien! Silence complet. Silence éternel de dunes. Silence infini d’un ciel d’encre. Silence crépusculaire des morts. Et Sofia retourna dans sa case, silencieuse et abattue. Là, elle s’enveloppa dans la couverture tissée par les mains patientes d’une vieille grand-mère et sombra dans la réflexion chercheuse des mineurs.
Où pouvait-il bien être Cayetano? Était-ce dans le puits profond du bord des mines du salpêtre, là où l’eau était si enterrée, si lointaine des semelles des gens qu’il fallait s’allonger à plat ventre pour y lancer le seau? Ou, était-ce au fond de cette grotte, oh! de cette grotte si éloignée où un hibou égrenait chaque soir sa longue plainte qui imitait le choc des petits cailloux?
Plus Sofia y pensait, plus elle sentait que Cayetano lui avait échappé dans ce long chemin qui croise la Pampa, mais vers quelle direction était-il parti?
La nuit renversa son encrier sur le sable et le village sombra dans le sommeil des dunes. Trois jours et trois nuits s’écoulèrent et Sofia, enveloppée dans sa couverture, réfléchissait toujours.
La femme aux seins tristes lui apporta une tasse de bouillon, en lui disant: « N’y pense plus ». Une autre lui fit goûter son épis de maïs grillé qui craquait sous la dent, lui disant: « A quoi bon y penser? ». Une vieille au visage parcheminé par le vent et par la chaleur, au sourire édenté et à la voix profonde des grottes, lui dit: « Il est retourné à l’endroit où tu l’as pris, il ne reviendra plus ». Et Sofia finit par s’endormir, enveloppée dans sa vieille couverture.
Tout à coup, un appel rompit le silence de la nuit :
– Sofia, je suis là, viens!
Elle se dresse sur sa couche, l’oreille aux aguets:
– Où es-tu? – cria-t-elle, et la voix répondit; « Ici, Ici, viens! »
Et Sofia marcha, marcha et marcha toujours plus loin, tout en appelant: « Cayetano…Cayetano où es-tu? » et la voix répondait toujours très, très loin: « Ici, Ici, viens! »
Les hommes finirent leur travail dans les salins. Ils plièrent leur tente et avec leurs femmes, leurs enfants et leurs outils, prirent la route vers d’autres salins, vers d’autres mines, tantôt vers la mer, tantôt vers le désert, et partout où ils allaient le vent criait: « Où es-tu? » et l’écho répondait: « Ici, Ici, viens! »
Et dans les nuits profondes du désert, dans les aurores pâles du bord de mer, le vent répète encore la plainte de Sofia: « Où es-tu? » et la voix de Cayetano répond: »Ici, Ici, viens! »
Une légende patagonienne, celle de Kospi
Il y a des milliers d’années, les plantes n’avaient pas de fleurs. À cette époque, vivait dans le sud de la Patagonie une belle jeune fille tehuelche nommée Kospi.
Un après-midi orageux, Karut (le tonnerre) la contempla à l’entrée du Kau (tente) de ses parents. Il l’a trouva tellement belle, que bien qu’il était rustique, sombre et brut, il tomba amoureux d’elle. Craignant que la jolie fille le rejette, il l’enleva et s’enfuit, grondant dans le ciel, jusqu’à se retrouver hors de la vue des parents terrifiée de la jeune fille. Il la cacha dans le fond d’un glacier.
Enfermée, la douleur était tellement grande que petit à petit elle se transforma en glace et se confondit avec le reste du glaicer. Plus tard, Karut vint la voir mais il ne put la retrouver, furieux il se mit à rugir de désespoir.
Son rugissement fut tellement fort qu’il atteignit l’océan et attira de nombreux nuages. Il se mit à pleuvoir et pleuvoir sur le glacier, jusqu’à le faire fondre complètement. Kospi se transforma en eau, descendit rapidement la montagne tel un torrent, pénétrant dans les vallées et imbibant les terres.
Au printemps, Kospi sentit le désir ardent de voir la lumière, de sentir la chaude caresse du vent et de contempler le ciel étoilé de la nuit. Elle gravit lentement les racine et la tige des plantes et sa jolie petite tête sauta sur les bouts des branches, sous la forme de pétales colorés … fleurs sont nés. Kospi réapparu sous la forme d’une belle fleur
Depuis ce jour, tout fut plus joyeux et plus beau dans le monde et, les pétales des fleurs furent appelées Kospi par les tehuelches.
Le conte de la baleine de Patagonie
En Patagonie, la légende raconte qu’autrefois la baleine avait des pattes et vivait sur terre, au milieu des Indiens. Mais quand elle baillait, elle aspirait lamas et villageois au fond de son gosier. Aussi, Elal, le génie de la montagne décida-t-il de transformer ses pattes en nageoires et de la pousser dans l’eau
L’origine du mot Patagonie
On dit que Magellan a apperçu, sur les rives du détroit qu’il empruntait, la silhouette d’un Tehuelche qui lui parut géant et qui lui rappela Patagon, le monstre à tête de chien d’un roman espagnol du 16e siècle. D’autres disent que ce sont les empreintes tres grandes des habitants qui ont donné l’idée de grands pieds d’où la Terre des Grands Pieds (Tierra de Patagonies ou Patagonia) construite avec Pata (pied en espagnol). Enfin plus méchament les derniers ont affirmé que ce nom a été donné à ces peuples indigènes car considérés comme incultes et rustres et, donc patán en espagnol, pataud en français, signifiant quelqu’un dont la personne et les manières sont lourdes.
Merci pour toutes ces légendes. J’aime bien L’Alicanto et le conte de la baleine.Mes petites filles ont adoré.
À propos de l’auteur