Quelques Réfléxions sur le Pourquoi d’un Tour du Monde

ParJacques BONNAUD

Quelques Réfléxions sur le Pourquoi d’un Tour du Monde

A. Parce qu’une opportunité s’est présentée

Pour moi, cette opportunité s’est présentée il y a près de 2 ans par une visite de Marie Laure qui m’a exposé simplement son idée. J’étais à 18 mois de ma retraite et ma femme Claire qui n’aime pas voyager a donné son accord.
Personnellement faire un tour du monde n’a pas été un rêve de jeunesse mais sa proposition m’a d’emblée enthousiasmé. Aucune crainte n’effleuré mon esprit et je me suis aussitôt mis à préparer cette aventure.
Période délicieuse que ces préparatifs durant laquelle on laisse aller son imagination, où progressivement ses rêves prennent corps, où on apprend tellement de notions d’histoire de géographie de géopolitique de spiritualité.

B. Pour fuir une société

Ce n’est sans doute pas la meilleure des raisons mais je dois reconnaître ne pas me sentir à l’aise dans une société qui a mis, bien souvent, en exergue le principe de précaution, la langue de bois en politique, le dogmatisme en religion, l’impudeur dans les media, l’égoïsme dans les rapports humains, l’argent et la puissance comme valeur suprême ; une société qui a mis à l’écart la raison dans les débats, qui ne sait pas affronter et résoudre le défi écologique.
Je suis un peu comme Montaigne qui affirmait à ceux qui l’interrogeaient sur ses nombreux voyages : « Je sais bien ce que je fuis et non pas ce que je cherche »

C. Pour philosopher

Quelle raison incongrue ! Et pourtant comme le dit Michel Eltchaninoff : « Puisque philosopher, c’est s’étonner, porter un regard neuf sur le monde, le voyage en représente la condition, la conséquence naturelle ou encore la métaphore » Non seulement réfléchir à notre tour du monde, c’est philosopher mais philosopher, c’est déjà voyager.

Dès l’Antiquité, les penseurs marchent :
– Socrate déjà déambulait dans les rues d’Athènes. Il apprenait, questionnait et cherchait à « accoucher » l’autre au cours de ses promenades au marché
– Platon, dans l’Allégorie de la Caverne, montre que le mouvement est marche : « Chaque fois que l’un d’entre eux sera détaché et contraint de se lever subitement, de retourner la tête, de marcher et de regarder vers la lumière…» Platon, lui-même, a voyagé pendant plus de douze ans en Égypte, en Cyrénaïque et en Sicile et affirmait « sans vagabondage, il nous est impossible de tomber sur le vrai pour en avoir l’intelligence »
– Aristote, lui, a été surnommé « le Péripatéticien ou le promeneur », pour son habitude de réfléchir et de parler tout en marchant, tôt le matin, parfois durant de longues heures.
– Diogène ne quittait pas son bâton de marche qui le soulageait quand le chemin grimpait, qui lui tenait compagnie, portait la besace, chassait les intrus, impressionnait les malintentionnés. On peut imaginer voir Diogène, ce « Socrate en délire », comme l’appelle Platon, marcher pieds nus en toute saison, dormir sous les portiques des temples ou dans son fameux tonneau près de l’Agora et vivre libre en se suffisant à lui-même, sans adhérer aux conventions de la civilisation ou se soumettre aux volontés des puissants

Les Maîtres spirituels marchent aussi :
– Lao Zi ne marche pas, il se laisse transporter par l’âne, le boeuf ou le chariot car pour lui «L’immobile est la source de tout mouvement»
– Confucius affirmait déjà que « le bonheur ne se trouve pas au sommet de la montagne, mais dans la façon de la gravir » Ainsi le plus important est le chemin pour arriver et non la destination
– Jésus se fait voyageur au cœur de l’humanité. Il est né au cours d’un voyage qui menait Joseph et Marie jusqu’à Bethléem. Dès l’âge de 12 ans il fait le chemin jusqu’au Temple de Jérusalem. Plus tard il a parcouru la Galilée car il fallait qu’« aille aussi dans les autres villes pour leur annoncer la Bonne Nouvelle du Règne de Dieu. » . Il a du monter à nouveau à Jérusalem car « comme le temps approchait où il allait être enlevé de ce monde, il prit avec courage la route de Jérusalem. » Il va suivre ce qui deviendra la Via Dolorosa jusqu’à son Calvaire. Il va cheminer avec les compagnons d’Emmaüs.
– Les Epîtres de Saint Paul relatent ses voyages autour du Bassin méditerranéen. Ils ouvrent à une éthique universaliste : « Il n’y a plus ni juif ni grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme »
– Bouddha a voyagé pendant plus de 45 ans dans la plaine du Gange. Quittant l’enceinte du palais, il va faire quatre rencontres qui vont changer sa vie : un vieillard lui fait prendre conscience de la souffrance du temps qui passe et de la déchéance du corps vieillissant ; un malade lui apprend que le corps souffre aussi indépendamment du temps et un cadavre que l’on menait au bûcher lui révèle la mort dans tout son caractère sordide. Enfin, un ermite lui montre ce que peut être la sagesse
– Mahomet a également pérégriné : Il devra fuir La Mecque et se réfugier à Médine : C’est l’Hégire. L’Isra, quant à lui, représente pour les musulmans le voyage nocturne de Mahomet de La Mecque à Jérusalem ; il précède l’ascension du Prophète
– Saint Augustin déclarait : « Le jour où tu dis : cela suffit ! Tu es déjà mort. Ajoute toujours, avance toujours, marche toujours. Ne reste pas en chemin, ne recule pas, ne sors pas de la route. Qui n’avance pas piétine ! Qui s’écarte de la foi perd sa route. Mieux vaut un boiteux sur la route qu’un coureur hors de la route »

Les Grandes religions promeuvent depuis des millénaires le voyage

Une des étymologies du mot religion est « relier. religare ». La religion, depuis les origines latines du mot, a forte affaire avec l’espace et avec le voyage. Elle lie les hommes entre eux ou au contraire les sépare : c’est d’un côté la foule des pardons et des pèlerinages ; de l’autre la retraite au désert de l’ermite, ou l’exil en terre lointaine du mal sentant de la foi. Tout au long de l’histoire occidentale, on n’a cessé de voyager pour cause de religion, qu’il s’agisse, comme au temps des apôtres, de répandre la Parole, plus tard, de fuir les persécutions, ou encore de gagner son salut au terme d’une pérégrination harassante, au péril des flots, des sables et de l’infidèle. Inlassablement les prédicateurs itinérants de la Réforme, les colporteurs de Bibles, les missionnaires catholiques de l’extérieur et de l’intérieur ont arpenté et balisé l’immense et diffuse cité des hommes, dans l’espoir de la faire coïncider un jour avec la cité de Dieu, dont la structure invisible s’élevait en surplomb au-dessus d’eux.

Il faut admettre que pour bien des spiritualités le voyage peut être interprété comme une purification. C’est bien ce que recherchent maints pèlerins comme ces hindous qui gagnent Bénarès, ces musulmans qui font le Hajj à La Mecque, ces marcheurs vers Compostelle. Les bouddhistes du monde entier font, s’ils le peuvent, la visite des quatre lieux saints (concernant les faits historiques) liés à la vie de Gautama Bouddha : Lumbinî, le lieu de sa naissance ; Bodh-Gaya, le lieu où il a atteint l’illumination ; Sârnâth (anciennement Isipathana), le lieu où il a fait son premier sermon ; Kusinara (maintenant Kusinâgar, Inde), le lieu où il est mort.

Les Philosophes modernes

– Montaigne fut non seulement un voyageur mais un penseur humaniste de la conquête du Nouveau Monde. Il va ainsi dégager un certain nombre de problèmes : Existe-t-il une différence véritable entre les « sauvages» et les Européens ?- La « civilisation » est-elle supérieure à la « sauvagerie» ?- La conquête a-t-elle un fondement légitime ?- Les civilisations peuvent- elles coopérer ? Il nous propose de constater l’extrême diversité des us et coutumes et « la continuelle variation des choses humaine ». Mais il nous invite également à dépasser le particulier pour découvrir l’universel et il nous ne rappelle à ce
propos cette anecdote : « On demandait à Socrate d’où il était. Il ne répondit pas d’Athènes ; mais : du monde » Il conclut : « Je ne sache meilleure école, comme je l’ai dit
souvent, à former la vie que lui propose incessamment la diversité de tant d’autres vies,
fantaisies et usances, et lui faire goûter une si perpétuelle variété de forme de notre
nature »
– Descartes après avoir « employé quelques années à étudier ainsi dans le livre du monde » et avoir constaté la grande diversité humaine, « pris un jour résolution d’étudier aussi en moi-même, et d’employer toutes les forces de mon esprit » pour découvrir l’indubitable vérité d’une nature humaine universelle.
De plus, Descartes est le célèbre promoteur de la Méthode ; dans ce mot, il faut le rappeler, il est question de chemin : odos, en grec ancien, c’est une route, un sentier, un itinéraire à suivre. Une méthode est à la fois un parcours et une façon de se déplacer sur le chemin.
– Thomas Nugent, écrivain voyageur de la première moitié du XVIII ièm siècle. A qui l’on doit un premier petit dictionnaire de poche français/anglais, explique que « les voyages servent à, enrichir l’esprit par le savoir, corriger le jugement, supprimer les préjugés de l’éducation, polir les manières, former un gentlemen accompli »
– Montesquieu nous montre, en particulier à travers ses Lettres persanes que le voyage permet une nouvelle vision du monde, à commencer en nous interrogeant d’abord sur notre propre société. Dans ses comptes rendus de voyage il se montre libre de tout préjugé sur la valeur ou la qualité des mœurs. De même, aucun ethnocentrisme ne traverse la pensée de Montesquieu, qui dira à ce propos : « Je suis nécessairement homme, et je suis Français par hasard » C’est pourquoi, dans « L’esprit des Lois», il comprend que chaque nation compose avec originalité, ce qu’il appelle « l’esprit général » de ce peuple, sa représentation du monde en quelque sorte, à partir de causes qui lui sont propres telles : le climat, le terrain, la population, les formes de commerce et de religion. C’est une idée très propre à un voyageur, de comprendre qu’il est vain de vouloir imposer une loi, serait-elle le fruit de la raison, à un peuple dont « l’esprit général» n’y correspond pas.
– Diderot va argumenter en faveur d’un relativisme culturel, moral et religieux, s’opposant à l’idée même d’une Raison occidentale prétendument universelle.
– Rousseau est un autre grand voyageur philosophe. La marche est pour lui sentiment de liberté, de jouissance et d’émerveillement. Avec lui, c’est le trajet qui devient essentiel. Le plaisir l’emporte sur l’utilité. Après lui, sur son impulsion, les romantiques vont faire de la promenade un art, une façon d’être, presque une raison de vivre. Marcher pour découvrir, et non pour aller quelque part, voilà la nouveauté.
– Anquetil-Dupeyrron orientaliste du siècle des Lumières, polyglotte, grand voyageur qui cherche à établir un savoir profond sur l’Autre, savoir dont le seul objet est au-delà de l’unité proclamée du genre humain, en mettant en valeur, l’intelligence des histoires et des cultures multiples. Il cherche à fournir « le moyen d’assurer les droits imprescriptibles de l’humanité » ; et il écrit ceci en 1778, donc avant la Déclaration des Droits de l’Homme.
– Kant qui ne quitta jamais Königsberg et n’accomplit pour tout parcours qu’une immanquable promenade quotidienne le long de la même allée de tilleuls, voyage, en même temps, au suprême degré en usant seulement de la dialectique de l’éloignement et de la proximité parce que philosopher c’est savoir être sans lieu délimité, c’est jouer pleinement du « droit de commune possession de la surface de la terre ».
– Les écrivains du XIX ièm siècle ont beaucoup voyagé : Le voyage de Stendhal et son beau texte « Promenades dans Rome », qui peut encore servir de gui de pour nous aujourd’hui, et où il écrit :« Nous voulons connaître les habitudes sociales au moyen desquelles les habitants de Rome et Naples cherchent le bonheur tous les jours ». Avec Nerval et son Voyage en Orient, on comprend bien que le voyage a une dimension
onirique, imaginaire.
– Hegel souligne bien ce que devrait être notre tradition soumise aux rencontres des voyages : « Ce que nous sommes en fait de sciences et plus particulièrement de
philosophies nous le devons à la tradition qui enlace tout ce qui est passager et qui est par suite passé, pareille à une chaîne sacrée, (…) qui a conservé et transmis tout ce qu’à crée le temps passé. Or cette tradition n’est pas seulement une ménagère qui se contente de garder fidèlement ce qu’elle a reçu et le transmet sans changements aux successeurs, elle n’est pas une immobile statue de pierre, mais elle est vivante et grossit comme un fleuve puissant qui s’amplifie à mesure qu’il s’éloigne de sa source.» Loin de considérer la diversité des philosophies comme une contradiction remettant en cause la vérité et la vitalité de la philosophie, (ce que des ignorants feraient en disant : puisque les philosophes ne sont pas d’accord entre eux, alors la philosophie ne contient aucune vérité), Hegel, au contraire, affirme que cette diversité en mouvement qui s’accomplie dans le monde et qui constitue l’espace-temps du voyage de l’esprit, fait se rencontrer et progresser les pensées de différents continents.
Le paradoxe de cet homme immobile, de cet antimarcheur d’exception, est qu’il a pensé la marche du monde – celle des choses, de la nature, mais aussi celle des idées, des sociétés, des moments de l’histoire – avec plus d’acuité, de profondeur et de puissance que quiconque. Car tout marche, avec Hegel, tout bouge et tout avance, tout évolue et se métamorphose. Rien ne reste immobile, identique, à jamais figé.
– Nietzsche qui affirme que « seules les pensées qui vous viennent en marchant ont de la valeur » est le prototype du penseur nomade
– Pour Kierkegaard : « Ne perdez surtout pas l’envie de marcher ; moi-même, chaque jour, la marche me procure mon bien-être quotidien, et m’éloigne de la maladie ; mes meilleures pensées sont venues en marchant, et je ne connais aucune pensée si lourde qu’on ne puisse s’en éloigner à grands pas »
– Heidegger nous rappelle que celui « qui veut penser grandement doit errer grandement »
– Michel Serres dans son ouvrage « Le passage du Nord-ouest » souligne bien la difficulté du passage entre tous les savoirs que les voyages nous font découvrir.

D. Pour Défier le Temps

1. D’abord s’interroger sur la notion du temps :
– La notion du temps n’est pas la même partout. En voyage, on se rend rapidement compte que certaines sociétés entretiennent des rapports différents avec le temps. Entre les Chinois qui le mesurent en siècles et les Indiens qui le découpent en réincarnations successives, toutes les adaptations sont possibles. Il y a ceux qui sont toujours pressés, ceux qui ont des horaires réglés comme du papier à musique, ceux qui vivent au jour le jour, ceux qui suivent le rythme des saisons et ceux qui s’en foutent complètement. En voyage, on est toujours un peu tributaire de la conscience du temps des autres. L’expérience, un peu éprouvante parfois, mérite toutefois d’être vécue.
– Histoire et voyage se répondent. Faire un tour du monde, c’est aussi remonter le temps. Qu’on pense à l’archéologie, aux voyages de Champollion en Egypte, à l’ethnologie, à la découverte des arts premiers.
Pérégriner, c’est retrouver un peu de notre statut primitif d’ « homo itinerans » qui faisait de nos lointains ancêtres des nomades qui suivaient les troupeaux sauvages

2. Ensuite et c’est inconsciemment l’essentiel, voyager autour du monde, c’est affronter la retraite et notre âge :
Ainsi, en faisant ce voyage, nous voulons rejeter l’idée que retraite est synonyme de pantouflage
Nous voulons découvrir ainsi, comme le disait Confucius, qu’ « on a deux vies et que la seconde commence quand on se rend compte qu’on en a qu’une »
Nous voulons faire, même à plus de 65 ans, de nos rêves, des souvenirs ! Ainsi Vigny disait qu’« une vie réussie est un rêve d’adolescent réalisé à l’âge mûr »
Nous voulons prouver que le voyage ne forme pas que la jeunesse mais qu’il permet à tous de réapprendre à désapprendre. Dès les débuts, les étudiants se devaient d’être mobiles mais Sir Francis Bacon estime déjà en 1612 « que le voyage doit faire partie de l’éducation des jeunes et de l’expérience des plus âgés »
Nous voulons tester notre corps car le voyage, comme expérience de l’Ailleurs et de l’Autre, se fait à travers un corps en mouvement. Pour Montaigne, « le corps est bien la chair du voyageur » et pour Nietzsche, au cours du voyage « nous pensons avec nos pieds »
En voyageant, on développe la certitude d’avoir un avenir. En troquant de temps à autre ses douillettes pantoufles contre une solide paire de chaussures de marche, on peut facilement avoir l’impression de reculer les limites de son propre vieillissement!
J’aime l’idée symbolique, que ce voyage serait une tentative de retrouver notre statue de « chasseurs-cueilleurs » car, comme l’écrit Jacques Attali « L’espèce humaine est un fait de mobilité, de glissements, de migrations, de sauts et de voyages »

En somme, en entreprenant ce périple de plusieurs mois, nous voulons repousser la mort ! En effet les premiers et seuls sédentaires sont les morts !

E. Pour Apprendre

1. Apprendre à se préparer. Ce sera pour nous :
– Nous améliorer en langues étrangères
– Acquérir des techniques : Communications informatiques. Géo-localisation. Création de Blog…
– S’astreindre à un certain entraînement physique.
– Recueillir des connaissances préalables aux pays traversés car comme le
dit Michel Onfray : « le vide du voyageur fabrique la vacuité du voyage »
Il faut néanmoins éviter de « congeler » notre sensibilité et savoir « se laisser imbiber par les paysages »
Evaluer si nous serons des voyageurs flâneurs qui ne se soucient pas de l’étape ou du lieu d’arrivée et qui restent disponibles. Nous conduirons-nous comme des voyageurs avides de formation et de connaissances ?
– Prendre conscience qu’on emmène toujours soi-même avec soi pour ne pas trop s’exposer à la critique d’Emerson : « Voyager est le paradis des sots. Nos premiers voyages nous révèlent combien les lieux sont indifférents. Chez moi je rêve qu’à Naples et à Rome, je pourrai m’enivrer de beauté et perdre ma tristesse. Je fais mes malles, dis au revoir à mes amis, embarque sur la mer, et enfin me réveille à Naples, et là, à mes côtés, se trouve l’austère réalité : le moi triste, implacable, celui-là même que j’avais fui »

2. Il faut reconnaître que le voyage a toujours été source de connaissance, de savoir.
– C’est par les voyages que vont naître et se diversifier les langues, s’organiser le troc, les échanges. Puis des voyageurs savants créent l’alphabet, le calcul arithmétique et
l’astronomie. Les voyageurs (marins, philosophes, médecins, et marchands) grecs,
mongols, juifs et arabes, font circuler les idées et les marchandises
– Nous savons par ailleurs combien le développement de la civilisation, l’enrichissement du savoir, et la conquête de la terre, doit aux découvreurs comme Marco Polo ou Magellan, puis ceux du 18 ième S. comme Bougainville, Cook, La Pérouse, mais aussi aux voyages des artistes et au nomadisme des artisans, le compagnonnage. Ce
compagnonnage qui date du Moyen Age, fût pensé comme une grande école de formation humaniste.

3. Mieux comprendre le monde et les enjeux de l’actualité :
– C’est prendre en compte la réalité de la mondialisation, le développement des échanges à l’origine du libéralisme économique qui n’est pas, certes, sans conséquences fâcheuses mais qui démontre un profond désir de liberté.
– Pérégriner autour du monde, c’est, un tout petit peu, et dans de considérables limites, se rapprocher du migrant économique, climatique ou politique
– Nous interroger sur les murs et les frontières qui paraissent à tord ou à raison, vouloir se multiplier à travers les continents

F. Pour le plaisir d’Agir

Voyager représente un défi différent de celui de la vie quotidienne. C’est ce qui en fait l’intérêt. Pour le relever, il faut développer des habiletés
Il nous faudra apprendre à faire preuve de simplicité, de débrouillardise, d’ humilité et d’ esprit de tolérance
Faire, comme le dit Saint-Exupéry, que « l’impossible recule toujours quand on marche vers lui »
Evaluer si le scoutisme a su renforcer nos capacités d’observation et d’adaptation.
Découvrir la sobriété et la notion d’essentiel
Apprendre la lenteur et à faire attention aux détails

G. Pour tester la Rencontre et l’Altérité

1. La rencontre
Marie Laure est beaucoup plus à l’aise que moi dans ce domaine ; elle est plus ouverte, intéressé par l’autre. Je suis, quant à moi plus misanthrope, plus fermé et je devrai donc beaucoup apprendre
Il faudra nous conduire comme le sage de Confucius qui « ne s’afflige pas de ce que les hommes ne le connaissent pas mais qui s’afflige de ne pas connaître les hommes »

2. L’Altérité
Nous entreprenons ce voyage comme deux amis, homme et femme. Allons-nous nous supporter ? C’est un des défis de cette aventure
Saurons- nous respecter la consigne de Montaigne : « J’observe en mes voyages cette pratique, pour apprendre toujours quelque chose par la communication d’autrui (qui est une des plus belles écoles qui puisse être) »

H. Pour nous questionner sur la Liberté

Admettre que les attentats terroristes dans nos pays occidentaux ne doivent pas interdire nos voyages alors que les millions de morts en Afrique dans la région des grands lacs, en Syrie, en Afghanistan et en Iran ont peu bouleversé le tourisme mondial.

Le voyage est certes un espace de liberté, mais un espace qui reste encore à conquérir au moment où les libertés tendent dangereusement à se restreindre : Les frontières et les politiques en matière d’immigration, les passeports, les barbelés et les projets de murs de toutes sorte.

Quant à moi saurai-je me distraire de tous ces guides que j’ai consultés ? Saurai-je suffisamment lever les yeux de mes notes longuement préparées pour admirer le spectacle du monde ? Mais, en même temps, éviterai-je de brandir ma liberté comme un trophée

I. Pour nous interroger sur notre conception de la Vérité

Déjà Platon pouvait écrire : « La foule ne sait pas que sans cette revue universelle, sans ce vagabondage, il est impossible de rencontrer la vérité »
Marc Aurèle évoque la « sagesse du passant dans l’hôtellerie ».
Bayle met en scène une « conscience errante », non plus une conscience qui est partout chez elle et assurée de sa vérité, mais une conscience erratique et qui a des droits jusque dans l’erreur et l’errance.

J. Pour approfondir ou découvrir certaines Spiritualités

1. Comme nous l’avons déjà dit, le voyage est bien au centre de la vie de Bouddha, du peuple juif, de Jésus, de Mohamed
Des livres fondamentaux parlent de cette pérégrination : L’Odyssée fonde le mythe du voyage selon une durée déterminée dans le temps, avec un retour. La Bible est un véritable livre des voyages ; dès la Genèse la Bible fait état du voyage des Prophètes et il est écrit : « Dieu dit à Abraham: Quitte ton pays, ta famille et la maison de ton père » ; Après la Genèse, le deuxième Livre c’est l’Exode, où Moïse conduira son peuple dans son voyage de la Mer Rouge au Sinaï. Enfin, toute l’histoire du peuple Juif n’est qu’un long voyage, la Diaspora, avec la promesse d’un retour, d’une terre promise. La religion juive parait bien être d’abord une religion de la pérégrination avant d’être une religion du livre.
La Bible chrétienne, le Nouveau Testament, retrace également d’incessants voyages dont celui de la fuite d’Egypte.
Ces voyages de maîtres spirituels peuvent être interprétés comme un symbole de purification et c’est notamment le cas de Saint Paul avec son fameux chemin de Damas. On retrouve cette genèse du voyage dans les pèlerinages
Mais il y a un autre exemple dans le Premier Testament ; c’est le conflit entre Caïn et Abel : C’est une opposition entre le nomade et le sédentaire: Caïn, le berger éleveur, et Abel, le paysan laboureur. On sait que Dieu, dans la Bible a un penchant pour les nomades (Les tribus d’Israël sont toutes nomades). Abel l’agriculteur, tue Caïn le pasteur. Dieu condamne Caïn à errer. C’est là une autre origine du voyage : la malédiction qu’on retrouve chez les migrants actuels qu’ils soient climatiques, économiques ou politiques
Mais ses voyages ont été aussi, pour Saint Paul en particulier, l’occasion de la découverte de la diversité étroite et sectaire, des peuples, des cultures, des communautés, et des conditions humaines. C’est pourquoi, toute la force du message paulinien naît, à contrario, de cette volonté de dépassement des particularismes, qu’ils soient grecs, juifs ou païens. Paul, le missionnaire, établit une éthique universaliste, et ainsi nous comprenons sa pensée dans un de ses Epîtres:« Il n’y a plus ni juif ni grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme». C’est ce que certains pensent retrouver dans la notion de mondialisation, de « village-monde »
Ces grands récits marqués par le déplacement mettent en mouvement notre imagination, comme le feront plus tard d’autres livres comme le Don Quichotte de Cervantès. C’est la dimension onirique du voyage.

2. Nous devrions pouvoir approfondir la conception du Christianisme
Ainsi nous pourrons sans doute mieux percevoir des tentatives de syncrétisme entre Catholicisme et religions premières en Amérique du Sud
Dans ce même continent, nous pourrons confirmer probablement la christianisation brutale des peuples mais aussi envisager la fameuse théorie de la libération.
Pourrons nous évaluer la poussée des mouvements évangéliques ?, la pesanteur du cléricalisme ?, les conséquences du scandale de la pédophilie ?

3. Nous tenterons de mieux appréhender d’autres monothéismes comme le Judaïsme et l’Islam avec leurs conséquences politiques

4. Nous devrions pouvoir découvrir des religions plus lointaines, voir inconnues : Hindouisme, Shintoïsme, Confucianisme et religion Baha’i

5. Nous réfléchirons sur des spiritualités comme le Bouddhisme ou l’Athéisme en côtoyant les souvenirs du Communisme

K. Pour définir quel type de voyageur nous voulons être

1. Ce que nous ne serons pas :
Des Hommes d’Affaires
Bien entendu, nous ne partons pas pour découvrir de nouveaux marchés.
Mais il sera intéressant de nous pencher sur l’économie des pays traversés pour mieux les comprendre.
Mais nous nous laisserons sans doute aller au marchandage ; nous profiterons également d’hébergements à bas coûts ou de la puissance de notre monnaie.
Mais nous avons conscience de faire partie d’une économie du tourisme qui est un phénomène moderne de masse avec plus de 1 milliard de touristes en 2010

Des découvreurs, des explorateurs
Nous ne serons pas Marco Polo ou Magellan ni La Pérouse, Bougainville, Cook, Christophe Colomb, Livingstone et d’autres comme Hiram Bingham, le découvreur du Macchu Pichu ou James Cook, le premier cartographe d’Océanie ni même Michel Strogoff le légendaire courrier du Tsar en Sibérie.
Nous ne nous prendrons pas plus pour Albert Londres, Henri de Monfreid.
Mais cela ne nous empêchera pas d’avoir une certaine nostalgie pour nos rêveries d’adolescent tout en n’oubliant pas que ces grands voyageurs apportaient bien souvent colonialisme, esclavage, endoctrinement religieux, mercantilisme, prostitution, épidémies que le tourisme moderne n’a souvent fait qu’amplifier

Des Scientifiques
Nous ne serons ni Darwin, ni Paul Emile Victor, ni le Commandant Charcot, ni Alain Bombard

2. Ce que nous éviterons d’être :
– Nous écarterons, sans doute et tant que faire ce peut, le modèle de touriste passif
Celui se confie entièrement à des agences parfaitement organisées qui lui proposent un programme minuté, standardisé, confortable, sécurisé. Le voyage à l’étranger cesse dès lors d’être une aventure, une expérience pour devenir une marchandise normalisée et produite en masse.
Nous ne voulons pas être, comme le dit Nietzsche, « ces voyageurs du premier degré, menés en voyage, comme aveugles». Nous nous voulons plus voyageur que touriste. Nous voulons nous détacher « d’une organisation des loisirs qui consiste essentiellement à
remettre en circulation l’argent des vieux » comme le dit Philippe Ariès

-Nous éviterons de nous comporter comme un « assimilateur » décrit par Tzvetan Todorov et qui veut imposer ou retrouver partout sa vision du monde
Mais ne nous faisons trop d’illusion : Nous ne parviendrons ni à être un « assimilé » dans le pays traversé, ni à nous comporter comme un véritable nomade, ni à être de véritables aventuriers ce qui nous fait écarter de notre itinéraire le Kamtchatka et ses ours, les terres polaires de Paul-émile Victor

Ne pas être ce voyageur qui ne fait que fuir ses difficultés alors qu’il les emporte avec lui-même à l’autre bout du monde.
Comprendre qu’, en partie, le but n’est pas la destination mais le chemin.

– Ne serait-il pas quelque peu illusoire et ridicule de se comporter à nos âges comme un « backpaker »
Lui-même a ses codes : couch surfing, hostels, airnb, éco-responsabilité, wifi dépendance, recherche du buzz ?. Bien qu’appartenant à la génération des années 68, pourrions-nous sérieusement reprendre les propos de Kerouac : « Il faut imaginer le monde comme le rendez-vous des errants qui s’avancent sac au dos, des clochards célestes qui refusent d’admettre qu’il faut consommer toute la production et par conséquent travailler pour avoir le privilège de consommer, et d’acheter toute cette ferraille dont ils n’ont que faire. (…) J’entrevois la grande révolution des sacs à dos. Des milliers, des millions de jeunes Américains, bouclant leur sac et prenant la route, escaladant les montagnes pour prier, faisant rire les enfants, réjouissant les vieux, rendant heureuses les jeunes filles et plus encore les vieilles, tous transformés en Fous du Zen, lancés de par le monde pour écrire des poèmes inspirés, sans rime ni raison, pratiquant la bonté, donnant l’image de la liberté par leurs actes imprévus,à tous les hommes et même à tous les êtres vivants… » ?

3. Ce que nous désirons être
Nous faire voyageur et non plus touriste : Ne pas vouloir tout contrôler mais se laisser prendre par les choses.
Ne pas se comporter comme un étranger qui ne cherche qu’à se divertir mais vouloir la rencontre.
Ne pas être qu’un observateur superficiel mais un témoin.
Éviter de voyager en cercle dans un circuit bouclé mais naviguer vers l’horizon.
Ne pas être celui qui ne fait que des selfies mais photographier la nature et les habitants.
Mais il faudra sans doute veiller à ne pas devenir une caricature en cherchant absolument à ne pas faire comme tout le monde : « refus du guide, refus d’envoyer des cartes postales, refus d’aller où tout le monde va, désir systématique de dérouter l’itinéraire prévu, adoption d’une attitude blasphématoire vis-à-vis d’un lieu ou d’un objet admiré par tous…, refus du voyage en groupe ».

  1. L. Pour découvrir les Beautés du Monde

 

  1. Il y a les beautés naturelles comme les cascades de Gocta au Pérou, les monolithes Torres del Paine en Patagonie chilienne, les bouillonnements du Mont Tongariro en Nouvelle Zélande, les Kauris de Nouvelle Zélande ou les cèdres du Japon, les lacs Titicaca ou Baïkal en Sibérie, l’Anaconda d’Amazonie et le Yak du Népal, les Fjords de Montain Sound, les glaciers néo-zélandais, les déserts de Gobi ou d’Atacama, la forêt amazonienne équatorienne…

Cela répond au besoin de reprise de contact avec la nature, ou complexe d’Antée, ce héros mythologique, fils de Gaia, déesse de la Terre, qui défiait tous les voyageurs ; Héraclès le défia et le souleva de terre  pour l’empêcher de reprendre des forces que lui communiquait sa mère et ainsi pu l’étouffer.

C’est aussi le besoin d’admirer la puissance et la diversité de la nature.

C’est enfin le besoin de concrétiser des rêves, des récits d’amis, des lectures, des reportages.

 

Éprouverai-je ce fameux sentiment océanique qui se rapporte à l’impression ou à la volonté de se ressentir en unité avec l’univers ?

 

Mais ce sera également l’occasion de nous interroger sur la violence de la nature avec ses séismes, ses éruptions volcaniques et donc de reposer la question du mal.

 

  1. Il y a aussi les beautés de réalisations humaines comme le Machu Picchu au Pérou, la Place Rouge à Moscou, le Street Art à Valparaiso ou à Penang, la Cité Interdite à Beijing, l’Acropole d’Athènes, la Basilique Saint Pierre,le Mi Teleferico de La Paz, la Cathédrale Primara de Quito, le Kremlin blanc de Tobolsk, le Musée Te Papa de Wellington, le Monastère suspendu près de Datong en Chine, le Temple musée de Choïjin-Lama à Oulan Bator, l’Aéroport de Singapour, la Cathédrale de Paris, la Ganina Yama à Ekaterinbourg….

 

Mais il faudra , bien entendu, s’interroger sur l’impact de l’homme sur la nature et les désastres écologiques qu’il engendre

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Jacques BONNAUD author