Ville de Sibérie, située à 2.814 Km de Moscou. Novossibirsk est la capitale de la région de Novossibirsk. Moderne, culturelle, elle est également la plus grande ville de Sibérie. La ville de Novossibirsk est la troisième plus ville grande de Russie. Novossibirsk est connue pour ses découvertes scientifiques et ses nombreux musiciens
Altitude : 150 m
Horaire : H+4/Moscou
Population de 1 584 138 habitants
La ville s’étend sur les deux rives du fleuve Ob, un des plus longs fleuves du continent asiatique ( environ 3600 Km) À l’instar de l’Ienisseï et de la Léna, l’Ob, nait dans l’Altaï aux confins de la Mongolie, de la Chine et du Kazakstan et se jette dans la mer de Kara au bord de l’océan arctique
Le climat est fortement continental, avec des hivers froids (−18 °C à −20 °C, mais pouvant atteindre -40 °C) et neigeux. Température moyenne en Janvier = – 20° avec 10°/° d’ensoleillement
Armoiries:
HISTOIRE
Novossibirsk fut fondée en 1893 près du pont du chemin de fer Transsibérien enjambant le fleuve Ob. De 1893 jusqu’en 1925. Elle est nommée Novonikolaïevsk (Новониколаевск), d’après Nicolas II de Russie. La cathédrale Saint-Alexandre-Nevski est le premier bâtiment en pierre et en briques à être construit en ville en 1896-1899.
Novonikolaïevsk voit sa première banque s’installer en 1906.
En 1907, Novonikolaïevsk et ses environs sont habités par 47 000 âmes et elle obtient alors le statut de ville.
Elle connaît un grand essor dans les années 1910, avant la révolution d’octobre 1917.
Elle compte le double de sa population initiale et c’est le plus grand acteur économique et commercial du territoire, mais la guerre civile russe qui a débuté en 1917 a freiné la ville en pleine croissance. Les épidémies ont ravagé une partie considérable de sa population, et les soviétiques s’emparent de la ville dès décembre 1917.
L’Armée Rouge prend possession de la ville en 1919.
Elle est rebâtie en 1921 grâce à la politique économique innovatrice de Lénine.
C’est à partir de 1957 que fut construite sur l’initiative de l’académicien Mikhaïl Lavrentiev la grande cité académique d’Akademgorodok, à 30 km du centre-ville.
ANECDOTES NOVOSSIBIRSK
Cette ville, probablement en quête de son identité, a changé de nom à 5 reprises en seulement 32 ans de son histoire. En 1893, l’endroit s’appelait Novaya Derevnya (le nouveau village) avant d’être rebaptisé deux ans plus tard Alexandrovski (en hommage à Alexandre Nevski). En 1905, la bourgade prend le nom de Novo-Nikolayevski (en l’honneur de Nicolas II de Russie, celui qui a été assassiné avec sa famille à Iekaterinbourg) jusqu’à 1917, année où les bolchéviques décideront de nommer la ville Novonikolaevsk avant d’opter en 1925 pour Novossibirsk qui signifie « Nouvelle Ville Sibérienne »
Pour comprendre Novossibirsk, il faut savoir que sans le Transsibérien, la ville n’existerait pas puisque son développement s’est fait autour du site du pont sur l’Ob qui devait permettre à la voie Transsibérienne de passer le fleuve. Née de la passion des hommes pour le train, il était normal que Novossibirsk rende hommage à ses racines en offrant au visiteur la plus grande gare de Sibérie, un musée du rail et une collection de locomotives.
Le Théâtre d’opéra et de ballet de la ville, surnommé le « Colisée de Sibérie » est le plus grand théâtre de Russie : il peut héberger sous sa coupole le bâtiment entier du théâtre du Bolchoï. La construction du Théâtre de Novossibirsk a été terminée juste avant le début de la Seconde Guerre mondiale. Il existe dans la ville une vieille rumeur selon laquelle a été créé sous le bâtiment du théâtre une sorte d’abris ou de bunker secret, ou même une ville souterraine, avec des rues et des feux de circulation, qui devait héberger le gouvernement soviétique si Moscou était prise par les Allemands. Les légendes urbaines actuelles disent qu’il y a maintenant sous le théâtre un lac souterrain artificiel qui peut être utilisé comme réserve pour lutter contre d’éventuels incendies. Toutefois, aucun de ces mythes n’a jamais été vérifié.
La Chapelle St Nicolas est considérée comme le centre géographique de la Russie.
La Statue représentant Vladimir Illitch Lenine avec son grand manteau flottant au vent est surnommé « Batman » par la population.
Près de la Place Lénine il y a la tombe commémorative d’Adrien Lejeune. (Adrien Lejeune ( 03-juin-1847 / 09-janvier-1942) décédé à Novossibirsk à l’âge de 94 ans. Officiellement, il est le dernier Communard (la Commune de Paris en 1871) . Son corps a été rapatrié au Cimetière du Père Lachaise à Paris, face au Mur des Fédérés).
A Novosibirsk, on trouve le Musée de « écorce sibérienne » qui est le seul centre d’exposition dans le monde entier possédant une telle collection unique d’œuvres d’arts décoratifs en écorce présentées dans les 5 salles d’exposition
GASTRONOMIE
Les plats : l’okrochka (soupe au poisson) ;les pirozhky (roulés frits garnis de viande) ; le boeuf strogonov (viande de b?uf cuite à l’étouffée avec une sauce à la crème aigre, servie avec des pommes de terre frites.) Les desserts : Le kasha (pudding préparé à base de lait, avoine, blé et semoule.) Les boissons : Le thé, le sbiten (sorte d’hydromel), le kvas (boisson fermentée légèrement alcoolisée) et la vodka.
RELIGION
Le Catholicisme à Novosibirsk
1. Présentation :
A coté de la religion orthodoxe largement majoritaire, Novossibirsk est le siège d’un épiscopat catholique La juridiction des paroisses catholiques de Sibérie occidentale était soumise, jusqu’à la Révolution d’Octobre, à celle de l’archevêché de Moguilev, dont l’archevêque (en général polonais) était en résidence à Saint-Pétersbourg, capitale de l’Empire russe. Il y avait un doyenné à Omsk et un autre à Tomsk. Les premières paroisses catholiques apparurent au début du XIXe siècle à Irkoutsk et à Tomsk, et à partir de 1840-1850 à Omsk, Tobolsk, Barnaoul, Krasnoïarsk, Ekaterinbourg. Au tournant du siècle, de nouvelles paroisses virent le jour à Tioumen, Novonikolaïevsk (aujourd’hui Novossibirsk), Kaïnsk, Ichim, Kourgan, etc… Le Saint-Siège créa, le 1er janvier 1921, le vicariat apostolique de Sibérie, alors que le nouveau pouvoir soviétique s’installait, pensant compter sur sa neutralité, et alors que l’Église orthodoxe subissait une persécution religieuse sans précédent dans le monde moderne. Il regroupait les régions d’Omsk, de Tomsk et d’Irkoutsk, ainsi que certaines région d’Asie moyenne. Les catholiques étaient au nombre de 150 000 sur cet immense territoire, sortant d’une guerre civile et plongé dans la détresse. Ce vicariat fut bientôt inopérant et les structures de l’Église catholique de Sibérie furent, malgré une tentative de réorganisation en 1926, totalement détruites quelques années plus tard. Ses prêtres furent expulsés, arrêtés, ou exécutés. Il n’y avait plus officiellement un seul prêtre catholique en activité dans cet immense territoire en 1939. Cependant un nombre infime d’entre eux réussit à maintenir une activité clandestine pendant de longues années. Le diocèse de Novossibirsk a été constitué en février 2002 et fait actuellement partie de l’archidiocèse de la Mère de Dieu, dont le siège est à Moscou . Auparavant, il faisait partie du territoire de l’administration apostolique de Sibérie, créée le 13 avril 1991, puis de celui de l’administration apostolique de Sibérie occidentale, créée le 18 mai 1999. Le territoire épiscopal s’étend sur 2 000 000km2, soit onze fois plus que l’Allemagne, et comprend 218 paroisses dont Ekaterinbourg, Tiomen, Tomsk Le diocèse comptait, en 2004, 500 000 baptisés catholiques sur 25 290 000 habitants (soit 2 % de la population)
2. Des réponses de Mgr. Joseph Werth, Évêque de Novossibirsk en 2011
« Lorsque je suis arrivé en Sibérie, un territoire de 13 millions de kilomètres carrés, n’y résidaient que trois Prêtres Catholiques. Il y avait un très petit nombre de communautés, dont ces Prêtres prenaient soin. Les autres Catholiques étaient éparpillés en petit nombre partout dans cette vaste région. Ma première tâche a été d’identifier mes ouailles et de les regrouper en communautés plus ou moins grandes. Je pense en particulier à mon diocèse, le diocèse de la Transfiguration à Novossibirsk, qui n’englobe qu’un tiers de la Sibérie, appelé Sibérie Occidentale, où nous avons une soixantaine de communautés de taille importante, et environ 300 plus petites qui ne sont visitées que périodiquement par un Prêtre. En arrivant ici, et en voyant que je n’avais pas de Prêtres, je me suis demandé comment en trouver. L’aide vint de l’étranger, et actuellement la plupart de mes Prêtres en proviennent. »
« J’ai tout de suite pensé à ouvrir un séminaire. Comme je n’avais pas assez de ressources financières pour ouvrir un vrai séminaire, j’ai commencé par un petit séminaire, qui a vu passer 120 élèves en 16 ans. À dire vrai, très peu d’entre eux sont devenus Prêtres. C’était en 1993, et la même année un grand séminaire a été ouvert à Moscou, qui a depuis a déménagé à St. Petersbourg. À Novossibirsk, en 1991, il n’y avait qu’une minuscule église: il fallait donc construire des églises, ouvrir des lieux de prières. C’est ce que nous avons fait, et nous continuons à le faire, parce qu’aujourd’hui encore, beaucoup de communautés n’ont pas d’église ni aucun endroit où prier et célébrer la Messe. Les Messes sont célébrées en attendant dans les maisons des fidèles. Le Prêtre dit la Messe avec la petite Église domestique. »
« Je suis né pendant la période soviétique (au Kazakhstan, NDLR) et je sais quelle était la situation à cette époque. Donc, je peux aujourd’hui affirmer avec enthousiasme que nous avons la liberté de religion. Mais nous ne jouissons d’aucun privilège de la part de l’État, au contraire, nous avons certaines difficultés, par exemple au sujet des visas. Nous attendons que l’État change la Loi afin que nos Prêtres et nos religieuses puissent obtenir non plus seulement un visa touristique mais un visa longue-durée leur permettant de rester avec nous et de prendre soin des fidèles pendant un temps ininterrompu. Durant les 18 dernières années, je n’ai jamais assisté à une quelconque infraction directe de la liberté de culte. »
« Les relations avec l’Eglise orthodoxe pourraient être meilleures, et il faut espérer qu’elles le seront un jour. Comme je l’ai dit, mon diocèse fait 4 millions de kilomètres carrés, et sur ce territoire l’Église Orthodoxe a 10 diocèses. Jusqu’à maintenant, je n’ai rencontré que quelques uns de leurs Évêques. J’envoyai chaque Noël des vœux à mes frères Orthodoxes, et lorsque le Patriarche Alexis est mort, je les ai assurés de nos prières pour lui. Deux Évêques me répondirent, et c’est un signe positif. Nous devons nous réjouir de chaque petit succès. Le 19 Décembre (2008, NDLR), moi-même et le nonce apostolique Mgr. Antonio Mennini avons offert à l’Évêque de Kemerovo une relique de Saint Nicolas de Bari. Le résultat a été vraiment merveilleux, et j’espère que d’autres occasions pareilles se reproduiront (NDLR : l’Évêque de Kemerovo a offert en retour en 2009 une relique pour l’Autel du couvent des carmélites de Novossibirsk). Bien que le dialogue à haut niveau soit encore ardu, un dialogue basique a toujours existé, particulièrement durant la période communiste lorsque toutes les religions étaient également persécutées. Dans ces circonstances, les fidèles Orthodoxes et Catholiques devinrent très proches les uns des autres. Il est dommage que dans la période plus récente, nous n’ayons pas fait le maximum pour atteindre, sinon l’unité, du moins une meilleure compréhension mutuelle. Nous prions pour que cela arrive le plus tôt possible. » « L’Église Catholique en Russie est une minorité. Les personnes ayant des racines Catholiques, mais qui ne pratiquent pas forcément leur foi, ceux dont les parents ou les grands-parents étaient polonais, ukrainiens, allemands ou lithuaniens ne représentent qu’un pour cent de la population. Dans tous les cas, une si petite minorité est imperceptible au sein de la société. L’association Caritas est très active dans le diocèse, par exemple à Novossibirsk même, nous avons lancé beaucoup de projets sociaux qui ont été bien accueillis par la municipalité et les gens. Nous avons deux écoles, une école primaire et un collège, un journal Catholique et un studio télé, qui produit des émissions télévisées. »
Liberté religieuse : Quand l’Eglise orthodoxe se mêle de culture :
En l’espace de trois ans, Novossibirsk a vu près d’une dizaine d’événements culturels annulés suite à des protestations organisées par des activistes orthodoxes. Initialement locaux, ces conflits ont pris une ampleur nationale avec le limogeage du directeur du célèbre théâtre d’opéra et de ballet de la ville, Boris Mezdritch, le 29 mars, sur ordre du ministère russe de la culture. Au cœur de ce scandale : une représentation contemporaine de l’opéra Tannhäuser de Richard Wagner. Le Courrier de Russie s’est rendu à Novossibirsk afin de comprendre comment une poignée de religieux parviennent à y faire la pluie et le beau temps.
Tannhäuser et le tournoi des chanteurs à la Wartburg de Richard Wagner, mis en scène par le jeune Timofeï Kouliabine, était l’événement théâtral de l’année 2014 à Novossibirsk. La première, le 20 décembre, et la deuxième représentation, deux jours plus tard, ont fait salle comble et le bonheur des critiques. On évoquait déjà la nomination de toute l’équipe du spectacle pour le prestigieux prix Masque d’or 2015, attribué aux meilleurs productions, directeurs, chorégraphes, chefs d’orchestre, metteurs en scène et acteurs de Russie. La mise en scène de Timofeï Kouliabine diffère du scénario original de Wagner avant tout par le fait que Tannhäuser n’y est plus un chanteur captif volontaire de la déesse Vénus, mais un réalisateur mettant en scène Jésus. Et c’est sur ce point précis que se sont fait entendre les premiers griefs des représentants religieux de la région. Exprimés tardivement, ils sont d’autant plus virulents qu’ils ont été formulés, pour la première fois dans l’histoire de la ville, par le métropolite de Novossibirsk en personne : Tikhon. Ce dernier, dans une lettre adressée le 26 janvier au procureur de la région, Evgueni Ovtchinnikov, a accusé la mise en scène de Kouliabine « d’offenser les sentiments religieux et l’Église orthodoxe ». « Nous recevons chaque jour des appels de gens qui se demandent comment il est possible que le théâtre d’opéra et de ballet montre un tel opéra, où le Sauveur passe plusieurs années dans la grotte de Vénus, s’abandonnant à des jouissances charnelles, etc. Ce Tannhäuser offense les sentiments des croyants, et, en tant que citoyens de Russie, nous soutenons qu’il offense aussi les sentiments de tous les citoyens russes, puisque de nombreux symboles de notre État contiennent des croix », écrit notamment le métropolite, qui demande au procureur qu’une enquête soit ouverte contre les « responsables ». La plainte a été entendue, et le bureau du procureur a engagé début mars des poursuites administratives contre le directeur du théâtre, Boris Mezdritch, et le metteur en scène Timofeï Kouliabine pour « profanation publique et intentionnelle de littérature religieuse, théologique et d’objets saints ». Parallèlement, la tension est montée au sein de la communauté orthodoxe de Novossibirsk et trois meetings ont été organisés courant mars, rassemblant plus d’un millier de personnes à chaque fois. Aux icônes brandies à ces occasions sont venus s’ajouter de nombreux drapeaux orange et noir [ruban de saint Georges] du groupe nationaliste NOD, et les manifestants ne réclamaient plus seulement le retrait de la pièce, mais aussi la démission du ministre de la culture de la région, Vassili Kouzine. La « campagne anti-Tannhäuser » a été très intense sur les réseaux sociaux. Des propos virulents apparaissaient régulièrement dans les pages-événement Vkontakte de chaque action : critiques visant le maire, accusations contre les partisans de la pièce de « fricoter avec Satan » et même appels à « passer à l’acte ». « Pour Kouliabine, Jésus est une sorte de personnage de conte, au mieux une personnalité historique ayant vécu à une certaine époque, se défend Alexeï Lobov, un des chefs de file du mouvement orthodoxe de Novossibirsk. Et il a osé présenter cette vision personnelle à travers la mise en scène d’un classique de l’opéra, sur les planches du plus grand théâtre d’Eurasie, et encore sur le compte du budget fédéral ! » Les événements se sont ensuite très rapidement enchaînés. Le 10 mars, le tribunal de Novossibirsk rejette l’affaire pour manque de preuves. Le 13 mars, veille de la troisième représentation, l’affaire remonte aux oreilles de Moscou, et le ministre fédéral de la culture Vladimir Medinski organise une rencontre autour du spectacle, en présence du directeur du théâtre et de nombreux experts, parmi lesquels des représentants de l’Église orthodoxe, du ministère de la culture russe, et autres institutions culturelles. Ces derniers se prononçant à l’unanimité contre la pièce de Kouliabine, Medinski demande par conséquent que le spectacle « soit modifié et que des excuses soient faites aux personnes offensées ». Boris Mezdritch, qui refuse, est limogé par le ministère russe de la culture le 29 mars. Il est remplacé par Vladimir Kekhman, directeur du théâtre Mikhaïlovski de Saint-Pétersbourg, dont la première décision est de retirer Tannhäuser du répertoire du théâtre.
La nouvelle est accueillie avec effroi par toute la communauté artistique nationale. Les lettres et déclarations de soutien se multiplient de la part de directeurs de théâtres, acteurs et autres metteurs en scène du pays. « Le plus comique, dans cette histoire, c’est que l’on a affaire à des individus qui ne connaissent rien au théâtre, s’offusque Roman Doljanski, critique théâtral de renom pour le quotidien Kommersant. Les gens se disent offensés sans même avoir vu la pièce. »
Pour Alexeï Lobov, cet argument, largement repris au sein des pro-Tannhäuser de Novossibirsk, n’a tout bonnement pas lieu d’être. « Les croyants sont offensés par le fait même que Jésus soit présenté comme un acteur, employé d’une société de production. Et qui peut, mieux que la personne offensée elle-même, dire qu’elle l’est ? Comment un tribunal peut-il démontrer cela ? Est-il nécessaire d’avoir eu une expérience au sein des SS pour être contre le nazisme ? », s’insurge l’activiste.
Jusque-là, les contestataires religieux de Novossibirsk n’étaient pas pris au sérieux par leurs concitoyens. Ni en 2012, lorsqu’ils avaient protesté contre la présentation des gravures « érotiques » de Picasso et l’exposition, jugée « antirusse », de l’artiste contemporain russe Marat Guelman, ni même en 2014, lorsqu’ils avaient saboté les concerts des groupes de black-métal étrangers Behemoth et Cradle of filth, et même obtenu l’annulation de la venue de Marilyn Manson.
« C’est la prise de position du métropolite qui change la donne, souligne Olesia Valger, activiste citoyenne pro-Tannhäuser et membre du parti Yabloko. C’est la première fois que Tikhon leur affiche publiquement son soutien ; avant, personne ne pensait que les actions des activistes puissent prendre une telle ampleur. Mais depuis, la population craint ces gens, qui ont souvent des comportements violents. »
Vêtus de tenues de sport et bonnets courts enfoncés sur la tête, ces activistes religieux sont présents à chaque rassemblement. Ils provoquent régulièrement des affrontements, comme en 2014, lorsqu’une bagarre (vidéo) avait éclaté devant la salle où devait se tenir le concert de Behe-moth. Le 14 mars 2015, ces mêmes individus ont bloqué l’entrée du théâtre d’opéra, menacé les spectateurs de Tannhäuser de casser leurs téléphones et appareils photo et même déchiré des billets d’entrée.
Ces « sportifs », comme on les surnomme en ville, fréquentent divers clubs de musculation et de boxe affiliés à la cathédrale Alexandre Nevski, qui relaye largement, sur son site internet, toutes ces actions de protestation contre des événements culturels.
« Au départ, la paroisse s’occupait de la réinsertion d’ex-toxicomanes et prisonniers, en prêchant notamment le sport et la culture physique comme style de vie sain. Ce qui était très positif. Mais leur discours a changé depuis 2011, avec le virage conservateur du gouvernement russe. En mettant l’accent sur la tradition et la nécessité de rétablir la grandeur de l’Église orthodoxe en Russie, les prêtres ont provoqué chez les plus conservateurs des paroissiens, dont leurs pensionnaires et sportifs, ces réactions de contestation que nous observons depuis trois ans », assure la jeune activiste.
Grand amateur de culture physique, l’archiprêtre de la cathédrale, Alexandre Novopachine, qui se refuse à tout commentaire « pour des médias non-orthodoxes », a d’ailleurs organisé le 29 mars une prière publique devant le théâtre d’opéra, qui a rassemblé quelque 2 000 personnes. Le député et ancien boxeur Nikolaï Valouev avait même fait le voyage pour l’occasion.
Les militants orthodoxes nient toutefois être encouragés par les représentants de l’Église : « C’est plutôt le contraire : l’archiprêtre et l’église nous retiennent. Sans eux, tout se déroulerait de façon beaucoup plus brutale », répond calmement Alexeï Lobov, avant de proclamer : « Je suis prêt à mourir pour défendre mon monde, qui est en train de s’effondrer. C’est une question de vie et de mort pour nous, ce n’est pas de la politique, mais un choix existentiel. »
Si Olesia admet que les sentiments des manifestants étaient effectivement sincères au départ, que leur but était de défendre leur vision du monde, elle dénonce aujourd’hui une utilisation de cette masse populaire à des fins politiques. « Le métropolite est une force, sans lui, ces individus redeviendraient de simples marginaux. Mais Tikhon peut leur assurer un soutien important parmi la population, et beaucoup de politiciens souhaitent aujourd’hui se servir du métropolite afin de s’assurer de bons résultats aux élections de l’automne prochain », analyse-t-elle.
Relativement passifs jusqu’alors, les habitants de la « capitale théâtrale de Russie », comme on surnomme Novossibirsk et ses cinq théâtres d’État, entendent désormais mettre un terme à l’influence de l’Église sur la vie culturelle. Car paradoxalement, la population de Novossibirsk est plutôt laïque. En effet, selon les données de l’Atlas des religions et des nationalités de Russie, 25 % des habitants de Novossibirsk se déclarent orthodoxes pratiquants, soit un chiffre bien en dessous des 41 % de la moyenne nationale. 32 % des habitants de la capitale sibérienne disent croire en Dieu sans appartenir à aucune religion, et 25 % se définissent comme athées – soit deux fois plus que la moyenne nationale. À titre de comparaison, les Moscovites se déclarent orthodoxes à 53 %.
Ils étaient ainsi plus de 2 000 à défiler à Novossibirsk, le 5 avril dernier, au nom de la « liberté de l’art et contre la censure » sur la place Lénine, entre le monument au leader soviétique et le théâtre. Les manifestants, réunis dans le calme, ont exigé le retour de Tannhäuser au répertoire et la démission du ministre russe de la culture et du nouveau directeur du théâtre.
« Le théâtre d’opéra de Novossibirsk, c’est comme notre Kremlin – c’est le cœur de la ville. On ne peut pas abdiquer : soit les activistes gagneront, soit, ce sera nous, soutient Elena Makeenko, rédactrice en chef de Siburbia.ru, un portail internet consacré à la culture en Sibérie. Il est grand temps de rétablir la balance entre la foi et la raison. »
Le théâtre d’opéra est effectivement un lieu symbolique de la ville. Deuxième plus grand théâtre de Russie, derrière le Bolchoï de Moscou, il emploie pas moins de 700 personnes. Sa construction, achevée en 1945, demeure, pour les deux camps qui s’opposent aujourd’hui, un symbole de victoire et de liberté. Tout comme Novossibirsk elle-même, conclut Elena Makeenko : « Novossibirsk a un esprit de liberté : c’est une terre de colons, de physiciens et de grands scientifiques, c’est la terre des premiers mouvements punk… Cet esprit, nombre d’entre nous sont nés avec, comme une sorte de super pouvoir caché. Et c’est bien la seule chose qui nous reste, aujourd’hui, à aimer et à défendre. »
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