Les orthodoxes vieux-croyants, plus souvent vieux-croyants (starovères) ou vieux-ritualistes, sont un ensemble de groupes qui se sont séparés de l’Église orthodoxe de Russie par leur refus des réformes introduites par le patriarche Nikon en 1666 – 1667. De nombreux changements dans les rites et les textes mis en œuvre par Nikon visaient à uniformiser les Églises de Russie et de Grèce. Elles ont causé pourtant un schisme dans l’Église orthodoxe russe, connu sous le nom de Raskol (« schisme » en russe).
Origine :
Le patriarche Nikon, ayant constaté que les rites et livres liturgiques russes déviaient de la tradition gréco-byzantine, lança des réformes. Beaucoup de croyants disputèrent l’exactitude et la légitimité de ces innovations et des protestations massives, dirigées par l’archiprêtre Avvakoum Petrov et ses partisans, eurent lieu. Les réformes ecclésiastiques furent toutefois ratifiées par le concile de 1666-1667 à Moscou et leurs opposants stigmatisés en tant que schismatiques et poursuivis.
Au milieu du XVIIe siècle, il existait effectivement des différences dans les textes et les rites entre l’Église russe et les autres Églises orthodoxes. Jadis, on croyait qu’à cause d’erreurs de copistes incompétents, toutes sortes de fautes et de dérogations aux règles étaient passées dans les livres et les rites de la tradition orthodoxe russe, et l’Église russe, sur un nombre de points textuels et rituels, s’est différenciée de l’Église gréco-byzantine. Pourtant, la recherche scientifique a révélé que les différences n’avaient pas surgi de la façon susmentionnée.
En fait, au milieu du XVIIe siècle, la Russie fut en guerre avec l’État polono-lituanien et l’Empire ottoman ; le tsar Alexis Ier (1629-1676) et le patriarche Nikon pensèrent qu’un grand empire orthodoxe avec Alexis comme nouvel empereur byzantin et Nikon comme patriarche de Constantinople aurait pu en peu de temps devenir réalité. Ils furent soutenus dans leurs ambitions par quelques patriarches du Moyen-Orient. Ceux-ci attirèrent l’attention de Nikon et du tsar sur les différences rituelles et textuelles entre l’Église russe et celle de Constantinople et insistèrent sur le fait que cette circonstance présentait un obstacle à l’uniformisation éventuelle de toutes les Églises orthodoxes. On décida de comparer les livres russes avec ceux de Grèce et de corriger les premiers à l’aide des originaux grecs en cas de besoin. Différents historiens placent cette tendance à l’uniformisation dans le contexte des processus géopolitiques susmentionnés et indiquent le caractère politique de cette initiative
Un point d’histoire :
Voilà près de 400 ans, un Français dénommé Vavila, brillant esprit formé à la Sorbonne avant de se convertir à l’orthodoxie est arrivé dans la région de Viazniki à 300 Km de Moscou. L’homme a passé le reste de sa vie dans un « skite » (ermitage, en russe) avec, dit-on, « une endurance égale à celle d’un parfait diamant ». En 1666, alors que le patriarche Nikon impose d’une main de fer sa réforme liturgique dans le pays, le Français préfère périr sur un bûcher en place de Viazniki plutôt que de renier l’antique tradition orthodoxe. Depuis lors, son héroïsme lui vaut d’être révéré comme un saint chez les vieux-croyants dont il incarne au plus haut point l’esprit de résistance.
Les points d’achoppement :
Les réformes concernèrent les rites aussi bien que les textes. Le signe de croix se fait désormais avec trois doigts dressés, l’index, le majeur et l’annulaire au lieu de deux. Trois doigts réunis symbolisent la sainte Trinité, deux doigts étendus représentent les deux natures de Christ – divine et humaine. Les opposants du nouveau signe de croix affirmèrent que ce n’était pas la Trinité, mais le Christ qui fut crucifié et que, d’une perspective théologique, un signe de croix avec deux doigts serait plus adéquat. Dans le Credo, le Saint-Esprit « vraie source de vie » devient « source de vie » . Au lieu d’un alléluia binaire, on introduit la triple répétition de l’alléluia; les processions ne se firent plus d’après le cours du soleil pour montrer qu’on va vers le Christ, le soleil du monde, mais dans le sens opposé ; le nom de Jésus, prononcé traditionnellement comme Isous fut transformé en Iisous ; la liturgie fut célébrée avec cinq au lieu de sept hosties, etc.
Les Persécutions :
Le tsar et le patriarche, encouragés par quelques patriarches orientaux, jugèrent l’uniformisation de l’Église russe et d’autres Églises orthodoxes nécessaires, et les réformes furent opérées conséquemment. Le clergé dressé contre les réformes fut marginalisé ; beaucoup de prêtres furent bannis. Quelques-uns furent exécutés secrètement, comme l’évêque Paul de Kolomna. L’opposition conservatrice a rejeté ces réformes les qualifiant comme hérétiques. Les opposants les plus radicaux prétendaient qu’avec ces innovations l’Église était saisie par l’Antéchrist. Cet avis s’est répandu surtout parmi les soi-disant « vieux-croyants non presbytériens ». Sous la conduite de l’archiprêtre Avvakoum, les adhérents au vieux rite s’opposèrent vivement à la hiérarchie ecclésiastique établie et aux réformes en cours. L’Église d’État fit arrêter les opposants les plus actifs dont certains furent mis à mort, comme l’archiprêtre Avvakoum en 1682. Après 1685 commença une période de persécutions qui dura jusqu’en 1905 : des dizaines de milliers de vieux-croyants furent exécutés.
L’Immigration:
De très nombreux « vieux croyants » durent se résigner à l’exil ; d’abord vers l’Est, vers l’Oural puis la Sibérie puis vers l’Europe central et les Balkans et même jusqu’en Amérique. Certains historiens estiment que cela aurait concerné 10% de la population russe.
Situation actuelle :
Le schisme dans l’Église russe existe jusqu’à présent. Les vieux-croyants n’ont pas moins souffert des bolcheviks et de leur politique anti-religieuse et anti-ecclésiastique militante que les autres Églises et communautés religieuses de l’Union soviétique. Dans les années 1920 et 1930, des confiscations, arrestations, fausses accusations, exécutions et la détention dans des camps de concentration devinrent un phénomène général. En Russie, après la Révolution et en particulier après l’introduction de l’économie planifiée et la collectivisation de l’agriculture, peu de choses ont survécu des vieux-croyants et de leur héritage. Il était devenu impossible de défendre ce qui avait pu se développer sous le régime impérial, malgré l’oppression. De plus l’héritage vieux-croyant était noyé dans un climat d’anéantissement de la culture russe, voulu par le régime soviétique. Non seulement des milliers d’églises et de maisons de prières furent détruites ou ravagées, mais des éléments sociaux traditionnellement vieux-croyants par excellence furent complètement détruits pendant les 70 ans du régime soviétique. Avant la Révolution, il y avait environ 15 millions de vieux-croyants en Russie, et, en 2000, leur nombre est d’environ un million. En 1971, l’Église russe orthodoxe du patriarcat de Moscou révoqua l’anathème sur les vieux rites et livres et déclara qu’ils étaient tout aussi salutaires. Cela n’a pas conduit au rapprochement substantiel des orthodoxes « nouveau-ritualistes » et des vieux-croyants, parce que pour les vieux-croyants la position d’équivalence des anciens et des nouveaux rites et textes est inacceptable. Dans l’Église russe orthodoxe, l’attitude envers les vieux-croyants reste ambivalente : il y a ceux qui apprécient les vieux-croyants et ceux qui leur reprochent l’insoumission aux décisions de la hiérarchie ecclésiastique à cause d’une telle divergence « mineure » comme les changements des textes et des rites. Depuis le début du XXIe siècle, les deux confessions poursuivent toutefois le dialogue.
Quelques milliers d’orthodoxes descendants des opposants aux réformes du patriarche Nikon, au XVIIe siècle, ont annoncé leur désir de rentrer au pays, en particulier des « vieux croyant émigrés en Amérique Latine
En 2017, Vladimir Poutine a rencontré le chef de l’Église des Vieux-croyants russes, le métropolite Corneille
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